Sorties CD

Par Michel Roubinet

Jean-Charles Ablitzer

Musique d’orgue en Bourgogne, Franche-Comté, du baroque au préromantisme, et dans l’Espagne des Habsbourg

Œuvres de Claude Balbastre, Antonio et Hernando de Cabezón, Antonio Martin y Coll, Gaspar Sanz, Jacques Louis Battmann

Orgue Verschneider (1854) de Saint-Laurent d’Ornans (Doubs)

LIVRET FRANÇAIS
Durée : 1h 8′
L’entretien des Muses VOC 10754, 2024

Produit par L’entretien des Muses – réminiscence du clavecin de Rameau et, à sa suite, des Chroniques de poésie de Philippe Jaccottet –, association des arts du spectacle vivant sise à Ornans, ville natale du peintre Gustave Courbet, ce portrait d’instrument entre classicisme et romantisme réserve d’étonnantes surprises. Où l’on passe pour ainsi dire du local au quasi-universel, de façon inattendue mais convaincante sur le plan instrumental, et naturellement musical. Il est vrai que cette terre d’Empire était aux confins de la France et du Saint Empire, Flandres et Espagne comprises. Titulaire de la merveille elle-même très polyvalente de Saint-Christophe de Belfort, Jean-Charles Ablitzer convie à un voyage dans le temps et l’espace qui, proposé sous forme d’écoute en aveugle, en confondrait plus d’un…

De Balbastre : Manuscrit de 1749…

Si le baroque allemand y tient une place de premier plan (intégrale Buxtehude, Bach à Aubusson ou Goslar…), sa discographie fait aussi une place de choix aux classiques français : Couperin, Dandrieu, Titelouze, Dumage, Noëls. Ce Balbastre hors Noëls y apparaît pour la première fois : les emprunts au Manuscrit « de Dijon » ou « de Versailles » (1), où il a été retrouvé, œuvre d’un Balbastre de vingt-cinq ans rarement enregistrée – Bruno Beaufils en a gravé quelques pages à Bourges (Disques Prestant DPBB001, 1997) – rendent ici audible le décalage esthétique qui se fait alors jour dans l’orgue français, l’esprit d’un Grigny relevant déjà d’un autre temps. Ce que traduit superbement le Verschneider d’Ornans (2), qui a tout ce qu’il faut pour colorer ce répertoire tout en sonnant autrement qu’un orgue purement classique. On touche ici du doigt, ou de l’oreille, le passage du temps, le basculement du goût. Un Magnificat complète cette évocation du mitan du XVIIIe siècle en France – Jean-Luc Perrot a consacré à ce recueil de 1750 un CD à la Chaise-Dieu (Association Marin Carouge, 2023), cependant que Lucile Dollat (Tiroirs secrets, Château de Versailles Spectacles) a gravé le Concerto en  majeur du Livre de 1749, le premier jamais écrit en France, déjà proposé par Bruno Beaufils : unique écho des fameux Concertos perdus qui feront la gloire de Balbastre au Concert spirituel.

…à l’orgue ibérique

Le baroque espagnol occupe une place elle aussi essentielle : de Sebastián Aguilera de Heredia et Pablo Bruna sur des orgues historiques d’Espagne à l’accomplissement d’un rêve : créer à Grandvillars (3), sa ville natale, un orgue espagnol très original, inspiré d’instruments du XVIe siècle et jusque vers 1610, entre Renaissance et baroque : Jean-Charles Ablitzer y a enregistré Siglo de Oro, double CD Musique et Mémoire. Plus encore que pour Balbastre, musique française sur un orgue français, même tardif en regard de la musique, les pages espagnoles étonnent et séduisent par la justesse de l’univers suggéré. Anches et cornets y sonnent plus vrais que nature. Cabezón père et fils s’y répondent : célèbre Pavana con su glosa du premier et hommage filial du second : Dulce memoriae. Des pages souvent anonymes réunies par Antonio Martin y Coll sont proposées Folias et Españoleta, archétypes du clavier espagnol sur thèmes populaires. Il en va de même des Canarios de Gaspar Sanz, de sa fameuse Instrucción de música sobre la guitarra española y métodos de sus primeros rudimentos hasta tañer con destreza (trois Livres, 1674-1697), où l’on trouve aussi plusieurs Folias et Españoletas. On sait la double et fréquente destination des livres de musique espagnols du XVIIe, pour clavier et/ou vihuela (entre luth et guitare), légitimant l’adaptation d’une page pour guitare – rendue célèbre par Narciso Yepes. Le regretté Liuwe Tamminga avait gravé pour Accent en 2007 différents Canarios, danse populaire typique de l’archipel, sur plusieurs orgues historiques des Îles Canaries, dont celui de Sanz sur un délicieux orgue-coffre.

Ce portrait insolite mais musicalement cohérent se referme avec Jacques Louis Battmann, originaire d’Alsace, lointain prédécesseur de Jean-Charles Ablitzer à Saint-Christophe de Belfort avant d’être en poste à Vesoul : pages de musique liturgique bien dans l’air du temps, mélodie, romance et opéra étant passés par là, comme dans nombre de pays européens à la même époque. On songe à Lefébure Wely, à Giovanni Morandi ou au Padre Davide da Bergamo, même si invention, fantaisie et mouvement sont ici plus comptés. Tout à coup le Verschneider sonne conformément à sa date de construction, avec des fonds lumineux et charpentés, l’équilibre sonore projetant bel et bien l’auditeur en plein XIXe siècle. Alliant charme et diversité, un récital d’une grande et belle adéquation musicale, joli tour de force pour l’instrument et qui le touche, magnifiquement.

(1Livre Contenant des Pièces de different Genre d’Orgue Et de Clavecin PAR Le S.r Balbastre Organiste de la Cathedralle de Dijon (1749), numérisation du manuscrit + mise en forme moderne :
https://imslp.org/wiki/Livre_contenant_des_pièces_de_différent_genre_(Balbastre,_Claude-Bénigne)

(2) L’Orgue historique Verschneider d’Ornans
https://inventaire-des-orgues.fr/detail/orgue-ornans-eglise-saint-laurent-fr-25434-ornan-stlaur1-x

Orgue Verschneider de 1854

(3) L’Orgue espagnol de Grandvillars
https://www.concertclassic.com/article/inauguration-de-lorgue-espagnol-de-grandvillars-par-jean-charles-ablitzer-le-faiseur-dorgues

Jean-Charles Ablitzer
https://jeancharlesablitzer.fr/index.html
https://musetmemoire.com/ablitzer/

Église Saint-Laurent d’Ornans, Doubs
https://www.patrimoine-histoire.fr/P_FrancheComte/Ornans/Ornans-Saint-Laurent.htm

L’entretien des Muses : 13, rue des Martinets – 25290 Ornans

Night Windows

Lucile Dollat, orgue Grenzing (2015) de l’Auditorium de Radio France
* François Vallet, percussions

LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS
Durée : 1h 12′ 53″
Radio France, collection Tempéraments TEM 316070, 2024

Maurice Ravel (1875-1937) :
Alborada del Gracioso (transcription Lionel Rogg)
Lucile Dollat (née en 1997) :
Songe 1
Thomas Lacôte (né en 1982) :
La nuit sera calme (pour percussion et orgue) *
Lucile Dollat :
Songe 2
Fabien Waksman (né en 1980) :
Night Windows (Three paintings for organ after Richard Pousette-Dart)
Hieroglyph, Black – Genesis, Red – Radiance, Blue
Lucile Dollat : Songe 3
Jehan Alain (1911-1940) :
Aria
Litanies

L’orgue Grenzing et la collection Tempéraments

Chaque résidence auprès du Grenzing de l’Auditorium de Radio France donne lieu à un enregistrement de la collection Tempéraments : Thomas Ospital (2016-2019) avec Convergences : Bach, Escaich, improvisations ; Karol Mossakowski (2019-2022) avec Rivages : Bach, Mozart, Mendelssohn, Liszt, improvisations ; Lucile Dollat, en résidence pour la période 2022-2025 (elle est aussi artiste en résidence à la Fondation Royaumont et cotitulaire du Cavaillé-Coll de l’église Saint-Maurice de Bécon, Courbevoie) avec le présent album Night Windows. Ce CD réunit implicitement les trois organistes successifs du Grenzing, reflet de concerts donnés à l’Auditorium par ces trois musiciens, à l’occasion desquels deux commandes de Radio France furent créées (l’une partiellement).

L’acoustique de l’Auditorium, rien de nouveau, n’est guère favorable au Grenzing, lissant une palette pourtant très diversifiée qu’elle restitue de manière frontale, sorte d’uniformisation de l’image sonore avec, selon les situations, une perspective écourtée. On s’y est habitué en concert, d’autant qu’au fil des ans l’instrument semble sonner et affirmer sa présence de manière de plus en plus convaincante – mystère de l’évolution de la matière dans le temps. Au disque, c’est autre chose, et il faut bien reconnaître que le résultat reste mitigé, renforçant la sensation d’un orgue qui vibre peu, perception accentuée par la trop franche rondeur des anches, bien plus anglo-saxonnes que françaises.

Un programme dédié à la nuit

Lucile Dollat ouvre cet album avec la pièce qui refermait son concert de prise de fonction, le 29 septembre 2022 (1) : Alborada del Gracioso des Miroirs de Ravel (Lionel Rogg a aussi transcrit Ma Mère l’Oye), subtil feu d’artifice et cheval de bataille de l’interprète. On retrouve l’acuité voulue via une instrumentation nerveuse, mordante, diffractée en une infinité de touches. Le Grenzing dans un répertoire qui lui convient absolument : la transcription.

Radio France a passé commande de quatre œuvres à Thomas Lacôte : Et l’unique cordeau des trompettes marines (orgue, 2006), Rursum funde (pour six musiciens, 2016), La nuit sera calme (pour percussion et orgue, 2018), La Voix plus loin (pour deux cors et orgue, 2019), donnée en première audition par le compositeur lui-même, le 9 février 2020. Entre-temps, l’organiste en résidence, Thomas Ospital, avait créé La nuit sera calme, le 10 avril 2019. Thomas Lacôte y fait pour la première fois appel à la percussion – Jean-Claude Gengembre lors du concert, ici François Vallet. Thomas Lacôte présente et situe cette pièce au sein de son catalogue dans le programme de salle du concert (document 1). Les sons « nappés » et les tenues qui portent cette étrange et presque inquiétante dramaturgie faussement statique « compensent » d’heureuse manière les contraintes de l’acoustique « boisée » de l’Auditorium. Et rejoignent aussi la propension de l’interprète, bien en situation, à donner du temps à l’acoustique, ici poétiquement soutenue et animée par la vibration et l’ondulation des percussions. Les captivants Songes improvisés préparent et prolongent une atmosphère irréelle, le deuxième ajoutant l’écho d’une insolite animation nocturne, le dernier une dimension de « poétique stellaire ».

Karol Mossakowski, son dédicataire, créa quant à lui Radiance, Blue de Fabien Waksman : « voyage qui me semble être tout autant cosmique qu’intérieur, nous menant d’un bleu profond vers une lumière intensément blanche », le 22 décembre 2020 (2), dernier volet de Night Windows – sa première œuvre pour orgue, commande de Radio France, inspirée de Richard Pousette-Dart (1916-1992), « peintre américain rattaché au mouvement de l’expressionnisme abstrait dont faisaient notamment partie Pollock et Rothko ». Sauf erreur, les pièces I & II – Hieroglyph, Black (« à Lucile Dollat ») : « une rêverie cosmique », et Genesis, Red (« à Thierry Escaich ») : « magma sonore à très grande vitesse » – n’ont pas été créées en public. Le compositeur retrace dans le programme de salle du concert (document 2) la genèse de ce triptyque que Lucile Dollat fait entendre pour la première fois dans son intégralité, œuvre dense, habitée et virtuose mettant idéalement en valeur l’instrument et l’interprète.

Lors de son concert de 2022, Lucile Dollat avait joué, de façon très personnelle, le chef-d’œuvre de Jehan Alain : les Trois Danses(document 3). Pour refermer ce CD éminemment pluriel, son choix s’est porté sur deux pages contrastées du musicien (3) : jeu clarissime détaillant la complexité rythmique de l’Aria, dramatisme de Litanies aux rythmes ici « heurtés » dynamisant la projection de l’instrument.

Le 19 avril 2025 (4), Lucile Dollat donnera à l’orgue Grenzing un concert faisant entendre, au côté de Bach, de Marc-André Dalbavie et d’improvisations (y compris avec percussions, occasion de retrouver François Vallet mais aussi Florent Jodelet), la compositrice Elsa Barraine (1910-1999) – extrait de Musique rituelle pour orgue, gong, tam-tam et xylo-rimba (1967) –, qui sera au cœur du prochain CD Tempéraments de Lucile Dollat, présenté à l’occasion de ce concert. 

(1) Lucile Dollat – concert de prise de fonction à Radio France, compte rendu
https://www.concertclassic.com/article/lucile-dollat-radio-france-la-nouvelle-organiste-en-residence-inaugure-la-saison-dorgue

(2) Fabien Waksman – Radiance, Blue, création par Karol Mossakowski à Radio France (vidéo)
https://www.youtube.com/watch?v=SInfwvHgimQ

(3) Rappelons la réédition de l’ouvrage de référence sur le musicien : Jehan Alain – Biographie, correspondance, dessins, manuscrits, Aurélie Decourt-Alain, coédition Association Jehan Alain (Suisse) / Orgues Nouvelles (2023)
https://orgues-nouvelles.org/produit/jehan-alain/

(4) Concert Radio France du 19 avril 2025 – Elsa Barraine
https://www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/bach-dalbavie-barraine-lucile-dollat?s=774264#content-page

Night Windows – Lucile Dollat – CD Radio France, collection Tempéraments
https://www.radiofrance.com/presse/editions-radio-france-cd-night-windows-lucile-dollat-collection-temperaments

Teaser sur YouTube
https://youtu.be/ff4tR42Ca9E

Orgue Grenzing (2015) de l’Auditorium de Radio France
https://www.radiofrance.com/lorgue-de-lauditorium-de-radio-france

Lucile Dollat présente l’orgue Grenzing 
https://www.youtube.com/watch?v=tQS_UZFZZ8M

Lucile Dollat
https://luciledollat.fr

Saison d’orgue de Radio France
https://www.maisondelaradioetdelamusique.fr/genre/orgue

Radio France, collection Tempéraments
https://www.radiofrance.com/les-editions/collections/temperaments

Hommage à Albert Schweitzer

Johann Sebastian Bach (1685-1750)

Daniel Meylan, orgue Christoph Treutmann (1737), Stiftskirche St. Georg, Goslar-Grauhof, Basse-Saxe (Allemagne)

LIVRET FRANÇAIS / ALLEMAND
Durée : 57′ 33″
Hortus 247, 2025

Fantaisie et fugue en sol mineur BWV 542
Choralvorspiele : 
Herzlich tut mich verlangen BWV 727
Erbarm’ dich mein, o Herre Gott BWV 721
Vom Himmel hoch, da komm ich her BWV 738
Meine Seele erhebt den Herren BWV 733
Nun freut euch, lieben Christen g’mein BWV 734
Wir glauben all an einen Gott BWV 740
Pastorale en fa majeur BWV 590
Prélude et fugue en do majeur BWV 547

J.S. Bach, Nun freut euch, lieben Christen g’mein BWV 734 (extrait), Daniel Meylan

Ce récital, à trente ans de distance, est un nouvel hommage de l’organiste suisse Daniel Meylan à Albert Schweitzer (1875-1965). Gravé en 1994 à l’orgue Ahrend de Porrentruy (1985, Jura suisse), inspiré du Silbermann de Glauchau (1730, Saxe), le premier hommage se focalisait sur la Passacaille et fugue BWV 582 explicitée par un Essai sur le symbolisme de cette œuvre emblématique (voir document), quête spirituelle et poétique de l’interprète dans le sillage de Schweitzer. Ce CD comportait un développement oral, en français et en anglais, se référant aux « constantes expressives » mises en lumière par le théologien, médecin, philosophe et musicien. 

S’étant perfectionné pour l’orgue auprès de Widor, Schweitzer (1) exerça en retour une influence à travers le dévoilement des liens intimes entre la musique de Bach et les textes des chorals. Il mit en forme ses idées dans son célèbre Jean-Sébastien Bach, le musicien-poète (1905), ouvrage ensuite traduit par lui-même en allemand (en fait réécrit et sensiblement augmenté, 1908). L’esprit s’en retrouve dans l’édition des œuvres pour orgue de Bach entreprise en 1912 avec Widor (Vol. 1 à 5) pour l’éditeur new-yorkais G. Schirmer, achevée cinquante ans plus tard (6 à 8) avec Édouard Nies-Berger (1903-2002), musicien alsacien qui œuvra avec Schweitzer à Gunsbach et à Lambaréné (2). Installé aux États-Unis et organiste du New York Philharmonic (1943-1952), on l’entend dans la Symphonie « avec orgue » de Saint-Saëns, en 1947 au Carnegie Hall de New York, sous la direction d’un autre Alsacien, Charles Munch…

Schweitzer a gravé de nombreuses œuvres de Bach (mais aussi de Mendelssohn, Franck, Widor), à Londres, Strasbourg et Gunsbach entre 1928 et 1952, reprises au fil du temps par EMI, Pearl, Archipel, Fono Enterprise… En 2010, IFO Classics a réuni l’essentiel dans un coffret de 6 CD (3) : on y retrouve la Fantaisie et fugue BWV 542 mais pas le Prélude et fugue BWV 547, qu’il a néanmoins enregistré (Pearl, Vol. 2). La filiation spirituelle et poétique est intéressante à retracer entre Albert Schweitzer et Daniel Meylan, par-delà les différences considérables quant aux instruments joués. Ici l’orgue phénoménal de Goslar, parvenu à nous presque intact : tous les jeux sont d’origine, à l’exception des mixtures, restituées (tout comme la Vox humana de l’Ober-Werck) ou complétées par la firme Gebrüder Hillebrand en 1989-1992. Marie-Claire Alain fut l’année suivante la première à enregistrer l’orgue restauré (dans le cadre de sa troisième intégrale Bach), suivie, versant français, de Jean-Charles Ablitzer, Olivier Vernet et Bernard Coudurier.

Dans ce second hommage, à l’occasion du 150ème anniversaire de la naissance de Schweitzer, Daniel Meylan poursuit son exploration : « J’ai souhaité […] prolonger cette recherche au niveau des pièces libres, celles-ci n’étant donc pas associées à un texte. En effet, lorsqu’on prend conscience que bien des préludes et fugues étaient destinés à encadrer le culte luthérien, on imagine sans peine l’illustre Cantor commenter en musique les différentes fêtes et temps liturgiques. » Ainsi rapproche-t-il le diptyque BWV 542 du temps de l’Avent, avec son « climat oppressant » (bien des exégètes présupposent dès l’Avent et la Nativité l’annonce de la Passion) entrecoupé de volets apaisants « rappelant certains chorals de l’Orgelbüchlein ». Le Treutmann restitue puissamment tant la force tellurique dominante de la Fantaisie que l’apaisante régularité de la pulsation des volets intermédiaires.

Daniel Meylan adopte des tempos d’une très convaincante justesse en lien avec une articulation souveraine, déliée et chantante – la Fugue BWV 542 ou Wir glauben BWV 740 à double pédale en sont des exemples affirmés. Autant de vie qu’il est possible sans restreindre l’intelligibilité, y compris dans l’opulence des textures du BWV 547, optimisant ainsi le rapport tempo-écriture. Nun freut euch BWV 734, souvent entendu sur un tempo d’enfer façon étude brillante de Czerny, est à cet égard prodigieux : impossible d’imaginer un équilibre, en termes de dynamique et de timbres, plus favorable au cantus et au mouvement perpétuel des voix le portant. Les chorals, comme la Pastorale, sont autant de moments de grâce : pureté du chant, spiritualité de l’élan, beauté des timbres si particuliers du Treutmann, riche en fonds variés et doté d’une belle palette d’anches. À l’écoute de ce disque, à la jonction de la vie et d’une projection généreuse de la polyphonie, c’est bel et bien l’image du musicien-poète qui s’impose à notre imaginaire.

(1) Albert Schweitzer
https://www.schweitzer.org/decouvrir/chronologie/organiste/

(2) Édouard Nies-Berger : Albert Schweitzer m’a dit, traduit de l’anglais par Odile Demange, La Nuée Bleue / Dernières Nouvelles d’Alsace, 1995

(2) Coffret 6 CD IFO Classics (2010) réunissant l’essentiel des enregistrements (1928-1952) d’Albert Schweitzer
https://www.ifo-classics.de/index.php/details/produkt/ifo00701.html

CD Hommage à Albert Schweitzer – Hortus 247
https://editionshortus.com/catalogue_fiche.php?prod_id=333

Orgue Christoph Treutmann, 1737, de Goslar-Grauhof
https://www.treutmann-orgel.de

Composition de l’instrument :
https://www.orgel-information.de/Orgeln/g/gk-go/goslar-grauhof_st_georg.html

Discographie d‘Albert Schweitzer
https://www.france-orgue.fr/disque/index.php?zpg=dsq.fra.rch&org=Albert+Schweitzer&tit=&oeu=&ins=&cdo=1&dvo=1&vno=1&edi=&nrow=10&cmd=Retour

Discographie Hortus de Daniel Meylan
https://www.editionshortus.com/artiste_fiche.php?artiste_id=142&langue=fr&prod_id=333

Photos de l’orgue Treutmann (https://www.treutmann-orgel.de) :
Treutmann-Orgel 1737– © Dr. Frank Straube – Verein der Förderer der Treutmann-Orgel von 1737 in der Stiftskirche Grauhof e.V. [Association des promoteurs de l’orgue Treutmann de 1737 de la collégiale Grauhof]

Petite chronique versaillaise…

Nicolas de Grigny (1672-1703)

Michel Bouvard (1) et François Espinasse (2),
orgue Jean-Loup Boisseau et Bertrand Cattiaux (1995) de la chapelle royale du château de Versailles

Livre d’orgue (1699) :
Messe Cunctipotens genitor Deus (1)
Cinq Hymnes (2)

LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS / ALLEMAND – Texte de Jean Saint-Arroman
Durée : 1h 06′ 16″, 53′ 30″
Château de Versailles Spectacles CVS 133, 2025
Collection L’Âge d’or de l’orgue français, n°13

Dialogue à 2 tailles de cromorne et 2 dessus de cornet pour la communion (extrait de la Messe), Michel Bouvard

Château de Versailles Spectacles (CVS) ne laisse d’impressionner par des moyens de production et éditoriaux dont les résultats parlent d’eux-mêmes : cet album Grigny est le 133ème titre du label versaillais, créé en 2018 seulement, et le 13ème de la collection L’Âge d’or de l’orgue français, dont l’épicentre est l’orgue de tribune de la chapelle royale. Bien que chaque fois estampillé Grandes Orgues 1710, il s’agit d’un instrument neuf – ô combien magnifique, dans son buffet historique blanc et or – qui fête cette année ses trente ans : signé Jean-Loup Boisseau & Bertrand Cattiaux, il s’inspire du Robert Clicquot & Julien Tribuot érigé au-dessus du maître-autel de la vaste chapelle palatine, consacrée en 1710, ultime adjonction majeure du règne de Louis XIV. François Couperin fut le premier à jouer l’instrument d’origine, inauguré en 1711.

Survol historique des quatre instruments successifs et discographie

Relevé et modifié par Louis-Alexandre puis François-Henri Clicquot en 1736 et 1762, élagué durant la première moitié du XIXème siècle (mutations, pleins jeux), l’instrument fut reconstruit par Cavaillé-Coll, approché dès 1845, qui en fit un orgue de son temps, assez banal et de taille modeste (23/II+Péd.), avec console moderne tournant le dos au panneau orné du roi David qui protégeait la console historique, dont les quatre claviers anciens furent alors retirés. Il fut inauguré le 21 février 1873 par Camille Saint-Saëns et Charles-Marie Widor, mais aussi Henri Lambert (1825-1906), titulaire du Clicquot–Cavaillé-Coll de la cathédrale Saint-Louis de Versailles.

En 1933, à l’instigation de Norbert Dufourcq (Widor prônait une restauration du Cavaillé-Coll), la Commission des Orgues tout juste créée (1) envisage de grands travaux, l’idée étant plus ou moins de restituer le Clicquot. En réponse à l’appel d’offre lancé en 1934, Victor Gonzalez soumet l’année suivante un projet qui sera accepté en 1936. Le Cavaillé-Coll est tout d’abord démonté par Gonzalez et installé au petit séminaire de Châteaugiron (Ille-et-Vilaine) – il sera relevé trente ans plus tard, en 1966, par Hellmuth Wolff (facteur suisse installé au Québec), Pierre Chéron et Yves Sévère, puis transféré, à la fermeture du séminaire, en l’église Saint-Martin de Rennes, détruite par les bombardements américains de 1943 et reconstruite au mitan du siècle, église moderne où il se trouve toujours, avec des sommiers et quelques tuyaux de Clicquot. Victor Gonzalez et son fils Fernand (pour la mécanique), assistés de Rudolf von Beckerath (pour la tuyauterie), vont alors construire à Versailles un instrument neuf (seule la montre ancienne est conservée) fonctionnel dès 1938 mais jamais inauguré en raison de l’irruption de la guerre.

Sur cet orgue Gonzalez (36/IV+Péd.) relevé en 1951 puis 1973, Gaston Litaize réalise en 1955-1956 deux disques pour Ducretet-Thomson (2) : Noëls anciens et Les organistes du siècle de Louis XIV – la Suite du 2ème ton de Clérambault a été reprise sur le CD 5 du coffret Orgues et organistes français du XXème siècle (1900-1950), 5 CD EMI Classics, 2002. Puis Jean-Jacques Grunenwald, en 1961, enregistre pour Véga des extraits de la Messe et des Hymnes de Grigny (3) – avant de graver en 1968 l’intégrale du Livre à Poitiers, également pour Véga et avec plain-chant alterné. On peut aussi entendre l’instrument sous les doigts de Marie-Claire Alain jouant des extraits de la Suite du 2ème ton du Troisième Livre de Nivers (1966), repris sur le CD 1 du coffret Marie-Claire Alain – L’Orgue français, Warner Classics, 22 CD, 2014.

Démonté en 1989 par Georges Danion (Manufacture languedocienne de grandes orgues) et acquis en 2001 par la commune de Laroque-d’Olmes (Ariège) – il sera installé en 2005 en l’église du Saint-Sacrement et inauguré par Philippe Lefebvre (4) –, ce Gonzalez néoclassique céda donc à son tour la place au Clicquot-Tribuot restitué par Boisseau-Cattiaux, reconstruction complète tenant compte des modifications de 1736 et 1762.

Michel Chapuis fut le premier titulaire de cet orgue « réinventé » (notamment la disposition intérieure des plans sonores), inauguré en novembre 1995 – il l’enregistre en 1999 pour Plenum Vox, un DVD suit en 2003 (également à Souvigny) : Improvisations dans le style classique français. Démonté et nettoyé, opération rendue nécessaire par le nombre de visiteurs et la pollution, en particulier textile, que laisse chacun d’eux, l’orgue est relevé en 2010 par Bertrand Cattiaux et de nouveau inauguré, le 5 juin, soit le jour même du tricentenaire de la consécration de la chapelle. Michel Chapuis, qui au début de l’année a fêté ses quatre-vingts printemps, cède alors les quatre claviers de l’orgue à ses quatre successeurs, par quartier, comme sous l’Ancien Régime : Michel Bouvard, Frédéric Desenclos, François Espinasse et Jean-Baptiste Robin.

L’un des instruments classiques français parmi les plus enregistrés

Entre la reconstruction et le relevage, Marina Tchebourkina grave pour Natives le récital Du Roy-Soleil à la Révolution et les Noëls de Daquin (2004), une intégrale Marchand et les Messes de Couperin (2005). Peu après la passation de claviers, les quatre titulaires sont réunis sur un double CD : La Chapelle Royale du Château de Versailles – Deux Siècles d’Orgue (Alpha 950, 2011).

La collection CVS a depuis proposé des disques récitals – Ton Koopman (Grandes Orgues 1710), Gaétan Jarry (Noëls baroques à VersaillesLe Grand Jeu), Constance Taillard (Versailles Westminster), Quentin Guérillot (Noël sous l’Empire), Lucile Dollat (Tiroirs secrets) – et des programmes monographiques ou partagés : Bernard Foccroulle (Georg Muffat – Apparatus musico-organisticus), Nicolas Bucher (Vêpres de la Nativité – Lebègue et Nivers), Olivier Latry (François Couperin – les deux Messes).

Des actuels titulaires, Frédéric Desenclos est le premier à avoir joué l’instrument lors d’enregistrements consacrés à des œuvres vocales complétées de pièces d’orgue (Alpha, Virgin Classics / Veritas, Astrée). À ce jour, ni Michel Bouvard, ni François Espinasse n’avaient enregistré le Boisseau-Cattiaux. Dans le cadre et dès le début de la collection L’Âge d’or de l’orgue français, seul Jean-Baptiste Robin avait enregistré pour CVS, consacrant deux titres à Jean-François Dandrieu : Magnificat et Offertoires & Sonates en trio (Ensemble Il Caravaggio, dir. Camille Delaforge), parus respectivement en 2019 et 2021, suivis en 2023 d’un album d’inédits : Divins Mystères – Manuscrits de Berkeley et de Caumont (5).

Le Livre d’orgue de Grigny au disque

Pour Grigny, les versions de premier plan ne manquent pas, sur instruments historiques, anciens restructurés-modifiés, ou encore reconstruits « à l’identique », comme ici même. Trois intégrales pour Marie-Claire Alain (pionnière en 1955 avec les Hymnes à Saint-Merry, Paris, Discophiles Français) : Sarlat (1965, la plus ancienne intégrale disponible, sans plain-chant alterné, contrairement aux deux autres), La Chaise-Dieu, Poitiers ; deux pour André Isoir : Poitiers / Saint-Maximin, Saint-Michel-en-Thiérache ; une pour Michel Chapuis : Belfort (orgue prodigieusement polyvalent – c’est celui, à la même époque, de la première intégrale Jehan Alain de MCA). S’y ajoutent, entre autres, Pierre Bardon à Saint-Maximin, Sylvain Ciaravolo à Saint-Pierre-des-Chartreux (Toulouse), Odile Bailleux à Albi, Bernard Coudurier à Cintegabelle ou Olivier Vernet à Saint-Antoine-l’Abbaye, jusqu’aux versions récentes d’Olivier Houette à Poitiers (Triton, 2018) et Nicolas Bucher à La Chaise-Dieu (Hortus, 2020) – dont l’orgue n’était déjà plus celui touché par MCA en 1980, reconstruit en 1995 par Michel Garnier, lui-même relevé depuis (Atelier Cattiaux-Oliver Chevron, 2024). Ainsi va le monde de l’orgue, toujours en mouvement…

Nos deux musiciens n’en sont pas à leur coup d’essai s’agissant des classiques français, depuis leurs gravures pour Organa Viventia (Sony puis RCA Victor distribué par BMG) : Messes de Couperin avec alternance de plain-chant (Couvents à Cintegabelle, 1991, Paroisses à Saint-Maximin, 1992), pour Michel Bouvard ; pièces de Guilain et Marchand (Ottobeuren, 1991), de Clérambault, Dumage et Marchand (Saint-Pons-de-Thomières, 1995) pour François Espinasse.

Nicolas de Grigny par Michel Bouvard et François Espinasse à Versailles

L’orgue reconstruit de la chapelle de Versailles offre l’avantage d’une synthèse entre facture fin XVIIe siècle, d’une grandeur imposante mais tempérée – l’émerveillement harmonique des pages sur plein-jeu et pédale d’anches est prodigieux – et opulence XVIIIème. Avec par exemple une Trompette au Positif, pas si fréquente sur les orgues anciens, permettant de varier des pages comme les Récits de basse de trompette ou de cromorne. On relève aussi une tirasse Grand-Orgue, d’où la possibilité de doser la dynamique des parties de type « pédale de flûte » des pièces à cinq voix (ainsi dans la Fugue de A solis ortus), toutes au demeurant admirables.

Michel Bouvard et François Espinasse s’y montrent d’une faconde tenant en haleine l’auditeur sur l’ensemble du Livre. Des tempos globalement enlevés exaltent la palette de l’orgue français (équilibre achevé, à titre de simple exemple, des dialogues de grande et petite tierce), l’un et l’autre interprètes mettant en exergue tant la continuité de ces deux cycles que les contrastes internes de chaque groupe de pièces. On admire au passage l’art des maîtres-facteurs qui ont réussi, dans un buffet à un seul corps imposé par Robert de Cotte, successeur de Mansart, à obtenir une lumineuse hiérarchie des plans sonores, explicite dans les Dialogues sur les grands jeux avec échos (Agnus de la Messe, pièce terminale de l’Ave maris stella). L’équilibre est de part en part tenu entre un flux spontané (savamment travaillé !) et une inégalité expressive variée, l’ornementation se caractérisant chez Michel Bouvard par une souplesse pleine d’allant, chez François Espinasse par une acuité rythmique des plus sensibles en début d’incises. Un Grigny de haute tenue pour un plaisir des sens magnifié par l’acoustique et la qualité de la prise de son. Royal, tout simplement.

(1) La conservation de l’orgue historique français
https://lplet.org/textes/jmm_01.htm

(2) Discographie de Gaston Litaize
https://www.gastonlitaize.com/disques-réalisés-par-gaston-litaize-gaston-litaize-s-discography

(3) Jean-Jacques Grunenwald joue Grigny à l’orgue de la chapelle du château de Versailles
https://www.qobuz.com/lu-fr/album/de-grigny-livre-dorgue-extraits-a-lorgue-de-la-chapelle-royale-de-versailles-jean-jacques-grunenwald/3614590623340

(4) Orgue Gonzalez de 1938 installé à Laroque-d’Olmes
https://inventaire-des-orgues.fr/detail/orgue-laroque-dolmes-eglise-du-saint-sacrement-fr-09157-l_olm-stsacr1-x

(5) Jean-Baptiste Robin – Divins mystères
https://www.jbrobin.com/?q=discographie-en-savoir-plus&id=26&langue=FR

Nicolas de Grigny à Versailles
https://www.live-operaversailles.fr/accueil/messe-hymnes-

Livret du double CD
https://www.chateauversailles-spectacles.fr//app/uploads/sites/2/2025/01/133-Messe-Hymnes-De-Grigny-Livret-CD-121x118mm_compressed.pdf

Teaser sur YouTube

Le grand orgue de la chapelle royale de Versailles (avec vidéos)
https://www.chateauversailles.fr/actualites/vie-domaine/grand-orgue-chapelle-royale#episode-3-rencontre-avec-le-directeur-des-theatres

Discographie des orgues successifs de la chapelle du château de Versailles – Base discographique d’Alain Cartayrade sur le site France Orgue
https://www.france-orgue.fr/disque/index.php?zpg=dsq.fra.rch&org=&tit=&oeu=&ins=Versailles+chapelle+du+ch%E2teau&cdo=1&dvo=1&vno=1&edi=&nrow=10&cmd=Retour

Catalogue du label Château de Versailles Spectacles

Frédéric Desenclos

Et in terra pax…
L’orgue français à l’aube du XVIIIe siècle

Orgue Micot (1771) de la cathédrale St-Pons de Saint-Pons-de-Thomières, Hérault

Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) : Suite du premier ton
Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) * :
> Prélude (Dixit Dominus) H.202
> Antienne H.525
> Praeludium (In nativitatem Domini Canticum) H.416
> Kyrie (Messe des morts) H.10
> Ouverture (Idyle sur le retour de la santé du Roy) H.489
Jean-Adam Guilain (vers 1680 ?-après 1739 ?) :
Suite du deuxième ton
Nicolas de Grigny (1672-1703) : Messe (du Livre d’Orgue), extraits du Gloria : Et in terra pax – Récit de tierce en taille – Dialogue
Louis Marchand (1669-1732)
Pièces manuscrites :
> Plein JeuFugue (5ème Livre)
> RécitBasse de trompette (4ème Livre)
> Grand Jeu (2ème Livre)

* Transcriptions de Jean-Paul Lécot

LIVRET FRANÇAIS
Durée : 1h 32″
Côté Ut Dièse CUD 242 (2024)

L’amateur éclairé aura bien sûr déjà thésaurisé maintes versions de Clérambault, Guilain, Grigny ou Marchand, qui ne manquent pas, de sorte que sur le plan du répertoire – hormis Charpentier – il ne fera guère de découvertes. Mais ce serait compter sans cette dimension propre à l’orgue (et à la voix, dans un rapport encore plus direct, instrument et interprète ne faisant qu’un), véritable sainte trinité : la rencontre entre un répertoire et un instrument à travers l’interprète lui donnant vie, chaque fois réinventée s’il parvient à recréer le moment magique, unique, d’une confrontation fusionnelle. C’est exactement ce à quoi parvient Frédéric Desenclos, l’un des quatre titulaires de l’orgue restitué de la chapelle royale du château de Versailles, aux claviers du Micot de Saint-Pons-de-Thomières.

Fil rouge ourlé entre les pièces de ses confrères du Grand Siècle, Charpentier est la cerise sur le gâteau. N’ayant, hélas !, rien laissé pour l’orgue soliste, la tentation de la transcription était trop forte : Jean-Paul Lécot s’en chargea, enregistrant dans la foulée et sur ce même Micot (Forlane, 1990) un beau programme entièrement dédié à Charpentier (de même pour Lully, à Tarbes). Frédéric Desenclos a choisi d’autres pages parmi celles transcrites par Jean-Paul Lécot, à l’exception du Praeludium de l’oratorio de Noël In nativitatem Domini Canticum, seule occasion de comparer l’interprétation, à trente-cinq ans de distance et sur un instrument entre-temps relevé à deux reprises, en 1994 et 2008, par Barthélemy et Michel Formentelli. Frédéric Desenclos y condense l’ensemble des qualités qui innervent les pièces des autres compositeurs, avec une touche personnelle prodigieuse de vivacité et de légèreté, quasi immatérielle, ainsi dans les pages sur Fonds doux avec tremblant, tout en vivifiant sur l’ensemble du programme l’éloquence et l’esprit du temps, jusqu’à un Dialogue de Grigny (celui qui referme le Gloria) en apothéose.

N. de Grigny (extrait du Gloria), par Frédéric Desenclos

« Inégal à quatre tierces pures », le tempérament affirmé du Micot donne un relief savoureux (chromatismes et frottements), en particulier dans les pièces faisant sonner le grand plein jeu. L’instrument de trente jeux sur deux claviers, dessus de Récit et pédale offre tout ce qu’il faut pour répondre à la perfection aux exigences de ce répertoire (à l’exception, comme tant d’autres, des trois plans de mixtures que réclamerait un Boyvin) : la quintessence. Les pages permettent de mettre en valeur la plupart des meslanges usuels, toujours assortis d’une réelle liberté de choix dans l’équilibre des dialogues (exquise Voix Humaine dans le Trio de la Suite de Clérambault). Compliments à Michel Formentelli pour l’accord de l’instrument, d’une stabilité digne d’éloges, ainsi que chaque tenue finale des grands ensembles l’atteste – un bonheur à part entière. Mieux qu’un simple disque récital : une plongée dans un idéal sonore et formel.

Et in terra pax… L’orgue français à l’aube du XVIIIe siècle – extraits audio + bon de commande 
https://www.coteutdiese.fr/Contenu%20desenclos%202024.html?fbclid=IwY2xjawIYCgFleHRuA2FlbQIxMAABHc9F6QGsNA_uvhy4JKin1b8_2rE5vLKlSNHWBj0aLYn10HaSz1b38vb8fQ_aem_SBv4YjASmNLD_AnqRsRY

Historique de l’orgue de Saint-Pons-de-Thomières (Hérault) et sa discographie
https://www.orgue-saint-pons.org/organistes.htm
https://www.orgue-saint-pons.org/discographie.html

Côté Ut Dièse – Label musical indépendant de l’Orgue en Occitanie
https://www.coteutdiese.fr

Wolfgang Kogert – 3 CD séparés

Organo/Logics
Œuvres de Karlheinz Essl (né en 1960)

Orgue Kuhn (2003) de la
Hofburgkapelle, Vienne (Autriche)

LIVRET ALLEMAND/ANGLAIS
DURÉE : 53’54 »
CD COL LEGNO MUSIC WWE 20457 (2023)

vingt secondes (2020)
Prendere il Fa (2021)
Puzzle of Purcell (2017)
Partikel-Bewegung (1991/2016)
unbestimmt (2020)
tenet opera rotas. Palindrome for organ (2020)
après l’avant. Electronic sound performance (2021/2022)
WebernSpielWerk / Music for Anton Webern (2005/2012)
HerrGott! Kommentar zu einem Wienerlied (2019)
Listen Thing. Palindrome Christmas Canon in 4 Parts (2008)
Bonus track : Orgue de Cologne (1986)

Karlheinz Essl : Listen Thing (extrait)

A rose is a rose is…
Œuvres de Christoph Herndler 
(né en 1964)

LIVRET ANGLAIS
DURÉE : 1h4’30 »
CD DA VINCI CLASSICS C00735 (2023)

Variations sérieuses Variation after Mendelssohn op. 54 (2009) ****
A rose is a rose is… (2017) ***
Taktzittern (2015/2019) ***
Rondo (2017) *Asche (2019) **

Orgues Kuhn (détails ci-dessous)


Horizon

Orgues Kuhn (Männedorf, Suisse) :
• Jesuitenkirche (2009), Heidelberg *
• Stiftskirche St. Arnuald (1995), Saarbrücken **
• Salvatorkirche (2002), Duisburg ***
• Kulturkirche St. Johannis (1998), Hamburg-Altona ****

Friedrich Cerha (1926-2023) : Toccata (2020) **
Klaus Lang (né en 1971) : weissbärtig. mond. (2011) *
Jean-Pierre Leguay (né en 1939) : Péan IV (2004) *
Younghi Pagh-Paan (née en 1945) : Seht die Lilien an, wie sie wachsen (2015) **
Christoph Herndler (né en 1964) : A rose is a rose is… (2017) ***
Bernd Richard Deutsch (né en 1977) : Toccata octophonica (2004/2005) ****
Thomas Lacôte (né en 1982) : Agencement-Rhizome (2004) *
Wolfgang Suppan (né en 1966) : Influx (2017) *
Zsigmond Szathmáry (né en 1939) : Toccata breve (2019) *

LIVRET ALLEMAND/ANGLAIS
Durée : 1h12’04 »
CD Cantate C58055 (2022)

Rien de plus vivifiant que de jeter une oreille hors de nos frontières afin de ressentir la diversité de la scène contemporaine. L’occasion en est ici donnée par trois CD de musique actuelle, les deux premiers étant dédiés à l’œuvre pour orgue de deux créateurs, dont un non-organiste, recourant diversement à des procédés de notation musicale singuliers, aussi personnels que ceux d’un Ligeti en son temps. Tous dans l’interprétation de Wolfgang Kogert (1), titulaire du Kuhn (2003) de la Hofburgkapelle de Vienne (chapelle du Palais impérial) et professeur au Mozarteum de Salzbourg, dont le répertoire revendique une amplitude temporelle maximale : du Robertsbrigde Codex (1360) à la musique présente, lui-même ayant suscité la composition (et créé) de nombreuses pièces. En témoigne sa vaste discographie, aux multiples échos de compositeurs vivants répondant ses CD Johann Kaspar Kerll ou Georg et Gottlieb Muffat (orgues Wöckherl, 1642, de la Franziskanerkirche et Sieber, 1714, de la Michaelerkirche, Vienne). Il est aussi Kustos (conservateur) de l’orgue Schuke (1983) de la Grande Salle de la Radio autrichienne (ORF RadioKulturhaus) et par ailleurs responsable de l’orgue au Carinthischer Sommer (« Été de Carinthie »), festival consacré depuis 1969 à la musique classique, au jazz et au crossover.

ORGANO/LOGICS

Le catalogue considérable de Karlheinz Essl (2), compositeur, performer, improvisateur, media artist et professeur de composition (étudiée auprès de Friedrich Cerha – et de Dieter Kaufmann pour l’électro-acoustique) fait une place prépondérante à l’électronique. Ainsi de sa première, brève et longtemps unique pièce pour orgue, Orgue de Cologne (1986), dans laquelle il rejoint ici même Wolfgang Kogert pour un traitement en temps réel dans l’acoustique de la Hofburgkapelle – dont l’orgue, sur la plus haute des trois tribunes superposées de cette église gothique, est invisible depuis la nef. De même pour après l’avant, ces deux pages étant parmi les plus captivantes sur le plan des timbres, la frontière/reconnaissance de ce qui est orgue et/ou électronique défiant l’entendement, au sens propre.

Dans ses autres pièces d’orgue écrites à partir de sa rencontre avec Wolfgang Kogert en 2016 (il manque une œuvre composite de 2006, également en raison de sa durée [42’] : Deconstructing Mozart, pour ordinateur, orgue d’église et electronics), Karlheinz Essl fait partiellement usage de la notation traditionnelle : Puzzle of Purcell, Ricercar (« présentant six couches temporelles différentes ») ou Listen Thing (canon de Noël à quatre parties sur la mélodie de Douce nuit, version boîte à musique ou version orgue, piano toy, célesta ou clavecin), pages les plus « écrites » au sens convenu du terme, aussi bien que de systèmes spécifiques pour telle ou telle pièce (cf. l’exemple de Partikel-Bewegungen, œuvre avec voix : ici l’« actrice-chantante » et performeuse Anna Clare Hauf), ou encore mixte, comme dans Prendere il Fa (3), œuvre en continuelle et régulière accélération-décélération où l’on trouve un type de tenues parallèles (notamment page 4) évoquant la première des Drei Metamorphosen de Werner Jacob. À l’instar de Listen Thing, une autre page fait appel à l’idée graphique du palindrome : l’œuvre en hommage à Anton Webern tenet opera rotas, écho du traitement par Webern du palindrome Sator arepo (4). Parmi les caractéristiques propres à la mise en œuvre de chacune des pièces, on relève dans unbestimmt le recours au tirage progressif et/ou incomplet des registres afin d’agir sur le spectre harmonique (on songe à Gerd Zacher dans Kunst einer Fuge).

A ROSE IS A ROSE IS…

Il en va tout autrement du CD consacré à Christoph Herndler : « Qualifier les pièces de Christoph Herndler […] d’œuvres pour orgue n’est que partiellement exact. Bien […] qu’il ait adapté les pièces en question spécifiquement pour l’orgue, en tant que compositeur, il opère à un niveau plus abstrait, développant ce que l’on appelle des graphiques de notation – parfois même des objets de notation tridimensionnels [cf. Übergang und Schnitt, base graphique de la pièce Asche] – qui ne spécifient généralement pas l’instrumentation et n’exigent pas nécessairement que les structures graphiques soient utilisées comme point de départ d’une interprétation musicale. Ces graphiques pourraient tout aussi bien être utilisés pour la danse ou pour contrôler des mouvements de caméra – Herndler les appelle « interfaces de croisement des médias » – et il a même créé un graphique de notation qui pourrait être utilisé pour distiller du schnaps. » [cf. texte de présentation du CD, suivi d’explications sur les graphiques de notation assorties d’exemples]

Si la séduction musicale n’est sans doute pas toujours à la hauteur de l’intérêt préalablement suscité par la démarche « conceptuelle », le décor est néanmoins planté et permet d’approcher l’œuvre d’un artiste se présentant avant tout tel un graphiste, la transposition musicale se parant inévitablement d’une dimension « aléatoire ». Il suffit pour s’en convaincre d’écouter Taktzittern 2015 für Orgel und/oder 2 Streichinstrumente (« pour orgue et/ou deux instruments à cordes ») par le compositeur puis par Wolfgang Kogert (deux captations pour ce dernier, avec celle du CD, même s’il s’agit alors de la version révisée et augmentée de 2019) pour réaliser que chaque interprétation ne peut qu’être une recréation pour ainsi dire autonome (6). Sachant que Wolfgang Kogert a réalisé cet album en étroite collaboration avec le compositeur pour un résultat néanmoins différent de celui de l’auteur, se pose de facto la question de la lecture et plus globalement de la compréhension-transposition instrumentale de supports purement graphiques, et par ricochet celle de la postérité d’un tel « répertoire », avec une probable distorsion au gré d’approches ultérieures qui ne seraient plus la résultante d’une concertation « à la source ».

« Les graphiques de Herndler ne visualisent pas les progressions musicales ; ils codifient simplement les progressions possibles. Les graphiques de notation ressemblent à de l’art abstrait géométrique et visent à « révéler la forme au sein de la notation elle-même » par des moyens minimaux. » Ou encore : « Les symboles abstraits des graphiques de notation de Herndler peuvent être interprétés de diverses manières pour produire différentes qualités sonores ou instructions d’exécution, selon les préférences de l’interprète. […] Au début, l’interprète est libre et doit choisir l’une des nombreuses voies possibles. Cependant, une fois que la « pierre » est mise en mouvement, sa trajectoire est décidée et suit des critères strictement ordonnés. Le son lui-même reste cependant indéterminé. »

Rondo, page brève de 2017, peut servir d’indicateur musical et instrumental, par-delà son graphisme reposant sur l’archétype proposé pour A rose is a rose is… (motif de base, 2010 ; graphique augmenté, 2017), dans la mesure où l’auteur en a également proposé une version « réalisée » en notation traditionnelle – de vraies notes sur des portées… (7).

HORIZON

D’une écoute sensiblement plus aisée, le troisième CD appelle moins de commentaires : il s’agit d’un récital d’œuvres beaucoup plus « traditionnelles », permettant au passage d’apprécier selon des critères également plus coutumiers la palette des magnifiques orgues Kuhn utilisés. Pour la plupart d’envergure et d’une appréciable diversité stylistique, instrumentale et émotionnelle, ces œuvres ont toutes été composées au cours de ce premier quart du XXIe siècle et sont ici proposées en première mondiale. À l’exception de Péan IV de Jean-Pierre Leguay, même si l’unique version existante figure sur un CD de 2006 en réalité hors commerce : Ghislain Leroy l’avait enregistré, en concert à l’orgue du Studio 104 de la Maison de la Radio, pour la collection Déclic (n°59), album coproduit par feu l’AFAA (Association française d’action artistique, ancien opérateur délégué du Ministère des Affaires étrangères – à ne pas confondre avec l’Association Française des Agents Artistiques) et Radio France. À noter que figure aussi sur cet album sans doute difficile à trouver la création mondiale (commande de RF) d’une pièce de Thomas Lacôte : Et l’unique cordeau des trompettes marines (des Trois Études pour orgue), que Ghislain Leroy a réenregistrée pour Hortus en 2013 à l’orgue de la Trinité, Paris (The Fifth Hammer, Hortus 106), au côté du compositeur – Ghislain Leroy qui, le 15 février 2005, au CNSM de Lyon, créait Agencement-Rhizome du même Thomas Lacôte : son premier opus pour orgue, dont Wolfgang Kogert propose ici même la première gravure commerciale.

Où l’on retrouve en ouverture de programme le nom de Friedrich Cerha, compositeur viennois entre-temps décédé, âgé de 94 ans lorsqu’il composa cette Toccata juvénile et d’une formidable tonicité, à laquelle répond la Toccata non moins séduisante de Zsigmond Szathmáry, qui n’avait lui que 80 ans en 2019… En guise d’épicentre de ce stimulant CD s’enchaînent l’œuvre poétique de la Sud-Coréenne Younghi Pagh-Paan d’après l’Évangile selon saint Matthieu (6,28 – même idée chez Luc, 12,27) : « Observez comment poussent les fleurs des champs : elles ne travaillent pas, elles ne se font pas de vêtements », mais aussi A rose is a rose is… de Christoph Herndler – publication originale de la gravure précédemment rencontrée.

(1) Wolfgang Kogert
https://www.wolfgangkogert.com

Orgues Kuhn – avec index et possibilité de recherche par lieux des instruments entendus sur ces trois CD
https://www.orgelbau.ch/fr/orgues.html

> CD Karlheinz Essl
https://essl.at/records/organologics.html

(2) Karlheinz Essl
https://essl.at/curriculum.html

(3) Prendere il Fa – partition en téléchargement gratuit
https://www.essl.at/div/scores/prendere-il-fa.pdf

(4) Tenet opera rotas – Carré Sator
https://fr.wikipedia.org/wiki/Carré_Sator
https://brahms.ircam.fr/fr/works/work/12639/

CD ORGANO/LOGICS – Wolfgang Kogert spielt sämtliche Orgelwerke von Karlheinz Essl (vidéo)
[Wolfgang Kogert joue l’intégrale des œuvres pour orgue de Karlheinz Essl]
https://www.youtube.com/watch?v=5QFEGahjV5U

> CD Christoph Herndler
https://davinci-edition.com/product/c00735/

(5) Christoph Herndler
https://www.herndler.net/objekte.html#schnitt

(6) Taktzittern 2015 für Orgel und/oder 2 Streichinstrumente (littéralement : « Tremblement de mesure », pour orgue et/ou deux instruments à cordes, œuvre révisée en 2019) – interprétation de l’auteur
https://www.herndler.net/#2015-2019
Version originale de 2015 jouée par Wolfgang Kogert en 2017 à l‘orgue Rieger (1991, bas-côté sud, près de la croisée) de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne
https://www.youtube.com/watch?v=U7wbqNq7eNI

(7) Rondo (2017) par Wolfgang Kogert, enregistrement sur le vif du 16.IX.2017 à l’abbaye de Lilienfeld (Basse-Autriche) lors du Festival Musica Sacra – vidéo avec partition (pièce en notation traditionnelle)
https://www.youtube.com/watch?v=2BWCTgUES4k

Pour les germanophones :

> CD Horizon
https://www.cantate-musicaphon.de/c58055.html

Yves Castagnet

Magnificat
Trois Psaumes

LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS / ALLEMAND
Durée : 1h 01″
Warner Classics 5021732250858, 2024

Maîtrise Notre-Dame de Paris, dir. Henri Chalet
Yves Castagnet, orgue Cavaillé-Coll–Beuchet–Dargassies (1859-1933-2005) de l’église Sainte-Clotilde, Paris

La saison 2024-2025 de la Maîtrise Notre-Dame de Paris (1) s’annonce fidèle à la tradition de diversité esthétique et d’éclectisme culturel que l’on connaît depuis l’origine, tout en mettant l’accent sur la création. Plusieurs commandes y seront données en première mondiale, ainsi les Trois Motets pour Notre-Dame de Lise Borel (25 mars), le Te Deum pour Notre-Dame de Thierry Escaich (12 juin) et une Cantate sur le thème de la paix de Fabrice Gregorutti : Pax, Et in Terra Pax (3 juillet) – puis deux messes pour chœur et orgue, en 2025-2026, l’une de la compositrice anglaise Judith Weir, l’autre de Jean-Charles Gandrille. Rappelons que la Maîtrise est avant tout une école de chant, avec une double mission : participer à la vie liturgique (jusqu’à 1200 offices par an) et à la saison musicale de la cathédrale. Soit cent-cinquante élèves et étudiants de 5 à 28 ans, filles et garçons, répartis en Chœur d’enfants, Jeune ensemble et Chœur d’adultes, recevant un total annuel de quelque 5000 heures de cours dispensées par vingt-cinq professeurs, le tout sous l’égide de Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris, institution créée en 1991.

(suite…)

Johann Sebastian Bach (1685-1750)

« Les Chorals pour orgue du Manuscrit de Leipzig »

LIVRET ALLEMAND
Durée : 1h 10′ 50″ + 39′ 50″
2 CD Hochschule für Musik, Theater und Medien Hannover (HMTMH n°27), 2023

Emmanuel Le Divellec, orgue Thomas (2019) de la Neustädter Hof- und Stadtkirche St. Johannis de Hanovre (Basse-Saxe)

Kirchenmusikchor & Instrumentalensemble de la Hochschule für Musik, Theater und Medien Hannover, dir. Daniel Zimmermann

L’occasion d’entendre Emmanuel Le Divellec en concert est rare dans l’Hexagone, un peu moins en Suisse, notamment à Romainmôtier, où il enseigne l’été et donnera un concert le 13 juillet – outre l’orgue Neidhardt et Lhôte de 1972, l’abbatiale abrite depuis 2018 dans la chapelle Saint-Michel (chapelle haute du narthex) l’orgue personnel de Luigi Ferdinando Tagliavini, un Kuhn de 1997 ; Tobias Willi (Zurich) touchera quant à lui l’orgue Albert Alain installé dans les combles de la Grange de la Dîme (1). Emmanuel Le Divellec se fait tout aussi rare au disque, mais on se souvient d’un beau programme Grigny, Bach et Boëly (avec l’achèvement par ce dernier de la Fuga a tre soggetti de L’Art de la Fugue) à l’orgue Goll de l’Église française de Berne dont il était alors titulaire, disque gravé en 2005 (Gallo CD 1186, 2009) ; également de sa participation au poétique album Caro Mea : Messe d’Escalquens (1935) et Corpus Christi (1979) de Jean Langlais par l’Ensemble vocal féminin Ad Limina, complété de pièces d’orgue (+ improvisation), CD lui aussi enregistré en 2005 (Hortus 040, 2006).

(suite…)

10ème Concours international d’orgue Hermann Schroeder – Trèves 2024

Hermann Schroeder (1904-1984) : Partita „Veni creator spiritus” :
Toccata – Ostinato – Bizinium – Arioso – Fantasia-Ricercare *

Maurice Duruflé (1902-1986) : Choral varié sur le thème du « Veni Creator » *
Richard Wagner (1813-1883 : Ouvertüre „Die Meistersinger von Nürnberg“ *
Hermann Schroeder : Choralfantasie „O heiligste Dreifaltigkeit” : Allegro – Andante – Allegro **
Louis Vierne (1870-1937) : Impromptu op. 54 n°2, Toccata et Sicilienne op. 53 n°6 et 2 **
Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Prélude et fugue en ré majeur BWV 532 ***
Hermann Schroeder : Partita „Veni creator spiritus” ***

LIVRET ALLEMAND
Durée : 1h 16′ 04″
10. Internationaler Orgelwettbewerb um den Hermann-Schroeder-Preis – 2024

Manuel Pschorn *, Giacomo Gabusi **, Luise Künzl ***, orgue Eule (2014) de la basilique de Constantin (Evangelische Kirche zum Erlöser – église évangélique du Rédempteur), Trèves (Rhénanie-Palatinat)

Compositeur de musique sacrée faisant une place particulière à l’orgue, auteur d’un riche corpus de musique d’orchestre, concertante, vocale, de chambre (y compris avec orgue) et d’un unique opéra (Hero und Leander, 1944-1950, d’après le dramaturge autrichien Franz Grillparzer), chef d’orchestre et organiste réputé, Hermann Schroeder, peu connu en France (mais l’est-il vraiment en Allemagne ?), fut aussi un professeur de renom à la Musikhochschule de Cologne, où lui-même avait étudié, et maître de conférences aux universités de Bonn et de Cologne – Karlheinz Stockhausen fut au nombre de ses élèves… Schroeder demeure fidèle à un néoclassicisme personnalisé s’inscrivant dans les formes traditionnelles, sans se départir d’une « objective » modernité, longtemps minorée mais désormais réappréciée (on le place volontiers dans la mouvance d’un Hindemith). Développements structurés et d’une concision dynamique qui en renforce l’impact, élaboration savamment ordonnée et tenue sans faille de l’écriture sont des constantes de sa musique. Un site en allemand est dédié au musicien et à son œuvre, assorti d’une discographie permettant de la découvrir, dont chaque année, depuis la 4ème édition, le CD du Concours de Trèves – un onglet (Orgelwettbewerb) renvoie également vers ce Concours (1).

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Dans le cadre des auditions d’orgue du dimanche, ils ont joué à Notre-Dame de Paris

[ou : Michel Chapuis, André Isoir, Odile Pierre et Xavier Darasse à Notre-Dame de Paris]

Nicolas de Grigny (1672-1703) : Hymne « Ave maris stella » (1)
Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passacaille et thème fugué BWV 582 (1)
Louis Vierne (1870-1937) : Allegro de la Deuxième Symphonie op. 20 (2)
Charles Tournemire (1870-1939) : Paraphrase-Carillon op. 57 Office de l’Assomption (2)
Maurice Duruflé (1902-1986) : Suite op. 5 Prélude, Sicilienne, Toccata (3)
Olivier Messiaen (1908-1992) : Transports de joie d’une âme devant la gloire du Christ qui est la sienne (L’Ascension) (4)
György Ligeti (1923-2006) : Volumina (4)

LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS
Durée : 1h 17′ 03″
Disques FY & du Solstice SOCD 413 – 2024

Michel Chapuis, 17.XII.1977 (1) ; André Isoir, 7.IV.1979 (2) ;
Odile Pierre, 10.XII.1977 (3) ; Xavier Darasse, 14.II.1971 et 11.III.1972 (4),
orgue Clicquot–Cavaillé-Coll–Boisseau, 1788 – 1868 – 1965, de Notre-Dame de Paris

Présentées à l’époque, de façon merveilleuse, par le chanoine Jehan Revert (1920-2015), maître de chapelle et voix si chaleureuse et musicale de la cathédrale, les auditions d’orgue de Notre-Dame n’ont cessé de rassembler des foules considérables, dimanche après dimanche (avant d’être avancées au samedi soir pour éviter le redoutable bruit de fond de la circulation des visiteurs). Elles restent associées à Pierre Cochereau (1924-1984) qui les créa en 1968 – mais, nous apprend François Carbou, à l’instigation du recteur de Notre-Dame, le chanoine Émile Berrar (1912-2009). Et Cochereau de confier aussitôt la mission d’organiser ce rendez-vous hebdomadaire au même François Carbou, lequel non seulement enregistrait Cochereau lors des offices et en concert, mais fit de même pour les auditions, jusqu’à l’arrivée des nouveaux titulaires en 1985, créant ainsi un fonds d’archives d’une exceptionnelle richesse et diversité.

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