Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) : Suite du premier ton Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) * : > Prélude (Dixit Dominus) H.202 > Antienne H.525 > Praeludium (In nativitatem Domini Canticum) H.416 > Kyrie (Messe des morts) H.10 > Ouverture (Idyle sur le retour de la santé du Roy) H.489 Jean-Adam Guilain (vers 1680 ?-après 1739 ?) : Suite du deuxième ton Nicolas de Grigny (1672-1703) : Messe (du Livre d’Orgue), extraits du Gloria : Et in terra pax – Récit de tierce en taille – Dialogue Louis Marchand (1669-1732) Pièces manuscrites : > Plein Jeu, Fugue (5ème Livre) > Récit, Basse de trompette (4ème Livre) > Grand Jeu (2ème Livre)
* Transcriptions de Jean-Paul Lécot
LIVRET FRANÇAIS Durée : 1h 32″ Côté Ut Dièse CUD 242 (2024)
L’amateur éclairé aura bien sûr déjà thésaurisé maintes versions de Clérambault, Guilain, Grigny ou Marchand, qui ne manquent pas, de sorte que sur le plan du répertoire – hormis Charpentier – il ne fera guère de découvertes. Mais ce serait compter sans cette dimension propre à l’orgue (et à la voix, dans un rapport encore plus direct, instrument et interprète ne faisant qu’un), véritable sainte trinité : la rencontre entre un répertoire et un instrument à travers l’interprète lui donnant vie, chaque fois réinventée s’il parvient à recréer le moment magique, unique, d’une confrontation fusionnelle. C’est exactement ce à quoi parvient Frédéric Desenclos, l’un des quatre titulaires de l’orgue restitué de la chapelle royale du château de Versailles, aux claviers du Micot de Saint-Pons-de-Thomières.
Fil rouge ourlé entre les pièces de ses confrères du Grand Siècle, Charpentier est la cerise sur le gâteau. N’ayant, hélas !, rien laissé pour l’orgue soliste, la tentation de la transcription était trop forte : Jean-Paul Lécot s’en chargea, enregistrant dans la foulée et sur ce même Micot (Forlane, 1990) un beau programme entièrement dédié à Charpentier (de même pour Lully, à Tarbes). Frédéric Desenclos a choisi d’autres pages parmi celles transcrites par Jean-Paul Lécot, à l’exception du Praeludium de l’oratorio de Noël In nativitatem Domini Canticum, seule occasion de comparer l’interprétation, à trente-cinq ans de distance et sur un instrument entre-temps relevé à deux reprises, en 1994 et 2008, par Barthélemy et Michel Formentelli. Frédéric Desenclos y condense l’ensemble des qualités qui innervent les pièces des autres compositeurs, avec une touche personnelle prodigieuse de vivacité et de légèreté, quasi immatérielle, ainsi dans les pages sur Fonds doux avec tremblant, tout en vivifiant sur l’ensemble du programme l’éloquence et l’esprit du temps, jusqu’à un Dialogue de Grigny (celui qui referme le Gloria) en apothéose.
N. de Grigny (extrait du Gloria), par Frédéric Desenclos
« Inégal à quatre tierces pures », le tempérament affirmé du Micot donne un relief savoureux (chromatismes et frottements), en particulier dans les pièces faisant sonner le grand plein jeu. L’instrument de trente jeux sur deux claviers, dessus de Récit et pédale offre tout ce qu’il faut pour répondre à la perfection aux exigences de ce répertoire (à l’exception, comme tant d’autres, des trois plans de mixtures que réclamerait un Boyvin) : la quintessence. Les pages permettent de mettre en valeur la plupart des meslanges usuels, toujours assortis d’une réelle liberté de choix dans l’équilibre des dialogues (exquise Voix Humaine dans le Trio de la Suite de Clérambault). Compliments à Michel Formentelli pour l’accord de l’instrument, d’une stabilité digne d’éloges, ainsi que chaque tenue finale des grands ensembles l’atteste – un bonheur à part entière. Mieux qu’un simple disque récital : une plongée dans un idéal sonore et formel.
Organo/Logics Œuvres de Karlheinz Essl (né en 1960)
Orgue Kuhn (2003) de la Hofburgkapelle, Vienne (Autriche)
LIVRET ALLEMAND/ANGLAIS DURÉE : 53’54 » CD COL LEGNO MUSIC WWE 20457 (2023)
vingt secondes (2020) Prendere il Fa (2021) Puzzle of Purcell (2017) Partikel-Bewegung (1991/2016) unbestimmt (2020) tenet opera rotas. Palindrome for organ (2020) après l’avant. Electronic sound performance (2021/2022) WebernSpielWerk / Music for Anton Webern (2005/2012) HerrGott! Kommentar zu einem Wienerlied (2019) Listen Thing. Palindrome Christmas Canon in 4 Parts (2008) Bonus track : Orgue de Cologne (1986)
Karlheinz Essl : Listen Thing (extrait)
A rose is a rose is… Œuvres de Christoph Herndler (né en 1964)
LIVRET ANGLAIS DURÉE : 1h4’30 » CD DA VINCI CLASSICS C00735 (2023)
Variations sérieuses Variation after Mendelssohn op. 54 (2009) **** A rose is a rose is… (2017) *** Taktzittern (2015/2019) *** Rondo (2017) *Asche (2019) **
Friedrich Cerha (1926-2023) : Toccata (2020) ** Klaus Lang (né en 1971) : weissbärtig. mond. (2011) * Jean-Pierre Leguay (né en 1939) : Péan IV (2004) * Younghi Pagh-Paan (née en 1945) : Seht die Lilien an, wie sie wachsen (2015) ** Christoph Herndler (né en 1964) : A rose is a rose is… (2017) *** Bernd Richard Deutsch (né en 1977) : Toccata octophonica (2004/2005) **** Thomas Lacôte (né en 1982) : Agencement-Rhizome (2004) * Wolfgang Suppan (né en 1966) : Influx (2017) * Zsigmond Szathmáry (né en 1939) : Toccata breve (2019) *
LIVRET ALLEMAND/ANGLAIS Durée : 1h12’04 » CD Cantate C58055 (2022)
Rien de plus vivifiant que de jeter une oreille hors de nos frontières afin de ressentir la diversité de la scène contemporaine. L’occasion en est ici donnée par trois CD de musique actuelle, les deux premiers étant dédiés à l’œuvre pour orgue de deux créateurs, dont un non-organiste, recourant diversement à des procédés de notation musicale singuliers, aussi personnels que ceux d’un Ligeti en son temps. Tous dans l’interprétation de Wolfgang Kogert (1), titulaire du Kuhn (2003) de la Hofburgkapelle de Vienne (chapelle du Palais impérial) et professeur au Mozarteum de Salzbourg, dont le répertoire revendique une amplitude temporelle maximale : du Robertsbrigde Codex (1360) à la musique présente, lui-même ayant suscité la composition (et créé) de nombreuses pièces. En témoigne sa vaste discographie, aux multiples échos de compositeurs vivants répondant ses CD Johann Kaspar Kerll ou Georg et Gottlieb Muffat (orgues Wöckherl, 1642, de la Franziskanerkirche et Sieber, 1714, de la Michaelerkirche, Vienne). Il est aussi Kustos (conservateur) de l’orgue Schuke (1983) de la Grande Salle de la Radio autrichienne (ORF RadioKulturhaus) et par ailleurs responsable de l’orgue au Carinthischer Sommer (« Été de Carinthie »), festival consacré depuis 1969 à la musique classique, au jazz et au crossover.
ORGANO/LOGICS
Le catalogue considérable de Karlheinz Essl (2), compositeur, performer, improvisateur, media artist et professeur de composition (étudiée auprès de Friedrich Cerha – et de Dieter Kaufmann pour l’électro-acoustique) fait une place prépondérante à l’électronique. Ainsi de sa première, brève et longtemps unique pièce pour orgue, Orgue de Cologne (1986), dans laquelle il rejoint ici même Wolfgang Kogert pour un traitement en temps réel dans l’acoustique de la Hofburgkapelle – dont l’orgue, sur la plus haute des trois tribunes superposées de cette église gothique, est invisible depuis la nef. De même pour après l’avant, ces deux pages étant parmi les plus captivantes sur le plan des timbres, la frontière/reconnaissance de ce qui est orgue et/ou électronique défiant l’entendement, au sens propre.
Dans ses autres pièces d’orgue écrites à partir de sa rencontre avec Wolfgang Kogert en 2016 (il manque une œuvre composite de 2006, également en raison de sa durée [42’] : Deconstructing Mozart, pour ordinateur, orgue d’église et electronics), Karlheinz Essl fait partiellement usage de la notation traditionnelle : Puzzle of Purcell, Ricercar (« présentant six couches temporelles différentes ») ou Listen Thing (canon de Noël à quatre parties sur la mélodie de Douce nuit, version boîte à musique ou version orgue, pianotoy, célesta ou clavecin), pages les plus « écrites » au sens convenu du terme, aussi bien que de systèmes spécifiques pour telle ou telle pièce (cf. l’exemple de Partikel-Bewegungen, œuvre avec voix : ici l’« actrice-chantante » et performeuse Anna Clare Hauf), ou encore mixte, comme dans Prendere il Fa (3), œuvre en continuelle et régulière accélération-décélération où l’on trouve un type de tenues parallèles (notamment page 4) évoquant la première des Drei Metamorphosen de Werner Jacob. À l’instar de Listen Thing, une autre page fait appel à l’idée graphique du palindrome : l’œuvre en hommage à Anton Webern tenet opera rotas, écho du traitement par Webern du palindrome Sator arepo (4). Parmi les caractéristiques propres à la mise en œuvre de chacune des pièces, on relève dans unbestimmt le recours au tirage progressif et/ou incomplet des registres afin d’agir sur le spectre harmonique (on songe à Gerd Zacher dans Kunst einer Fuge).
A ROSE IS A ROSE IS…
Il en va tout autrement du CD consacré à Christoph Herndler : « Qualifier les pièces de Christoph Herndler […] d’œuvres pour orgue n’est que partiellement exact. Bien […] qu’il ait adapté les pièces en question spécifiquement pour l’orgue, en tant que compositeur, il opère à un niveau plus abstrait, développant ce que l’on appelle des graphiques de notation – parfois même des objets de notation tridimensionnels [cf. Übergang und Schnitt, base graphique de la pièce Asche] – qui ne spécifient généralement pas l’instrumentation et n’exigent pas nécessairement que les structures graphiques soient utilisées comme point de départ d’une interprétation musicale. Ces graphiques pourraient tout aussi bien être utilisés pour la danse ou pour contrôler des mouvements de caméra – Herndler les appelle « interfaces de croisement des médias » – et il a même créé un graphique de notation qui pourrait être utilisé pour distiller du schnaps. »[cf. texte de présentation du CD, suivi d’explications sur les graphiques de notation assorties d’exemples]
Si la séduction musicale n’est sans doute pas toujours à la hauteur de l’intérêt préalablement suscité par la démarche « conceptuelle », le décor est néanmoins planté et permet d’approcher l’œuvre d’un artiste se présentant avant tout tel un graphiste, la transposition musicale se parant inévitablement d’une dimension « aléatoire ». Il suffit pour s’en convaincre d’écouter Taktzittern 2015 für Orgel und/oder 2 Streichinstrumente (« pour orgue et/ou deux instruments à cordes ») par le compositeur puis par Wolfgang Kogert (deux captations pour ce dernier, avec celle du CD, même s’il s’agit alors de la version révisée et augmentée de 2019) pour réaliser que chaque interprétation ne peut qu’être une recréation pour ainsi dire autonome (6). Sachant que Wolfgang Kogert a réalisé cet album en étroite collaboration avec le compositeur pour un résultat néanmoins différent de celui de l’auteur, se pose de facto la question de la lecture et plus globalement de la compréhension-transposition instrumentale de supports purement graphiques, et par ricochet celle de la postérité d’un tel « répertoire », avec une probable distorsion au gré d’approches ultérieures qui ne seraient plus la résultante d’une concertation « à la source ».
« Les graphiques de Herndler ne visualisent pas les progressions musicales ; ils codifient simplement les progressions possibles. Les graphiques de notation ressemblent à de l’art abstrait géométrique et visent à « révéler la forme au sein de la notation elle-même » par des moyens minimaux. » Ou encore : « Les symboles abstraits des graphiques de notation de Herndler peuvent être interprétés de diverses manières pour produire différentes qualités sonores ou instructions d’exécution, selon les préférences de l’interprète. […] Au début, l’interprète est libre et doit choisir l’une des nombreuses voies possibles. Cependant, une fois que la « pierre » est mise en mouvement, sa trajectoire est décidée et suit des critères strictement ordonnés. Le son lui-même reste cependant indéterminé. »
Rondo, page brève de 2017, peut servir d’indicateur musical et instrumental, par-delà son graphisme reposant sur l’archétype proposé pour A rose is a rose is… (motif de base, 2010 ; graphique augmenté, 2017), dans la mesure où l’auteur en a également proposé une version « réalisée » en notation traditionnelle – de vraies notes sur des portées… (7).
HORIZON
D’une écoute sensiblement plus aisée, le troisième CD appelle moins de commentaires : il s’agit d’un récital d’œuvres beaucoup plus « traditionnelles », permettant au passage d’apprécier selon des critères également plus coutumiers la palette des magnifiques orgues Kuhn utilisés. Pour la plupart d’envergure et d’une appréciable diversité stylistique, instrumentale et émotionnelle, ces œuvres ont toutes été composées au cours de ce premier quart du XXIe siècle et sont ici proposées en première mondiale. À l’exception de Péan IV de Jean-Pierre Leguay, même si l’unique version existante figure sur un CD de 2006 en réalité hors commerce : Ghislain Leroy l’avait enregistré, en concert à l’orgue du Studio 104 de la Maison de la Radio, pour la collection Déclic (n°59), album coproduit par feu l’AFAA (Association française d’action artistique, ancien opérateur délégué du Ministère des Affaires étrangères – à ne pas confondre avec l’Association Française des Agents Artistiques) et Radio France. À noter que figure aussi sur cet album sans doute difficile à trouver la création mondiale (commande de RF) d’une pièce de Thomas Lacôte : Et l’unique cordeau des trompettes marines (des Trois Études pour orgue), que Ghislain Leroy a réenregistrée pour Hortus en 2013 à l’orgue de la Trinité, Paris (The Fifth Hammer, Hortus 106), au côté du compositeur – Ghislain Leroy qui, le 15 février 2005, au CNSM de Lyon, créait Agencement-Rhizome du même Thomas Lacôte : son premier opus pour orgue, dont Wolfgang Kogert propose ici même la première gravure commerciale.
Où l’on retrouve en ouverture de programme le nom de Friedrich Cerha, compositeur viennois entre-temps décédé, âgé de 94 ans lorsqu’il composa cette Toccata juvénile et d’une formidable tonicité, à laquelle répond la Toccata non moins séduisante de Zsigmond Szathmáry, qui n’avait lui que 80 ans en 2019… En guise d’épicentre de ce stimulant CD s’enchaînent l’œuvre poétique de la Sud-Coréenne Younghi Pagh-Paan d’après l’Évangile selon saint Matthieu (6,28 – même idée chez Luc, 12,27) : « Observez comment poussent les fleurs des champs : elles ne travaillent pas, elles ne se font pas de vêtements », mais aussi A rose is a rose is… de Christoph Herndler – publication originale de la gravure précédemment rencontrée.
CD ORGANO/LOGICS – Wolfgang Kogert spielt sämtliche Orgelwerke von Karlheinz Essl (vidéo) [Wolfgang Kogert joue l’intégrale des œuvres pour orgue de Karlheinz Essl] https://www.youtube.com/watch?v=5QFEGahjV5U
(6) Taktzittern 2015 für Orgel und/oder 2 Streichinstrumente (littéralement : « Tremblement de mesure », pour orgue et/ou deux instruments à cordes, œuvre révisée en 2019) – interprétation de l’auteur https://www.herndler.net/#2015-2019 Version originale de 2015 jouée par Wolfgang Kogert en 2017 à l‘orgue Rieger (1991, bas-côté sud, près de la croisée) de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne https://www.youtube.com/watch?v=U7wbqNq7eNI
(7) Rondo (2017) par Wolfgang Kogert, enregistrement sur le vif du 16.IX.2017 à l’abbaye de Lilienfeld (Basse-Autriche) lors du Festival Musica Sacra – vidéo avec partition (pièce en notation traditionnelle) https://www.youtube.com/watch?v=2BWCTgUES4k
LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS / ALLEMAND Durée : 1h 01″ Warner Classics 5021732250858, 2024
Maîtrise Notre-Dame de Paris, dir. Henri Chalet Yves Castagnet, orgue Cavaillé-Coll–Beuchet–Dargassies (1859-1933-2005) de l’église Sainte-Clotilde, Paris
La saison 2024-2025 de la Maîtrise Notre-Dame de Paris (1) s’annonce fidèle à la tradition de diversité esthétique et d’éclectisme culturel que l’on connaît depuis l’origine, tout en mettant l’accent sur la création. Plusieurs commandes y seront données en première mondiale, ainsi les Trois Motets pour Notre-Dame de Lise Borel (25 mars), le Te Deum pour Notre-Dame de Thierry Escaich (12 juin) et une Cantate sur le thème de la paix de Fabrice Gregorutti : Pax, Et in Terra Pax (3 juillet) – puis deux messes pour chœur et orgue, en 2025-2026, l’une de la compositrice anglaise Judith Weir, l’autre de Jean-Charles Gandrille. Rappelons que la Maîtrise est avant tout une école de chant, avec une double mission : participer à la vie liturgique (jusqu’à 1200 offices par an) et à la saison musicale de la cathédrale. Soit cent-cinquante élèves et étudiants de 5 à 28 ans, filles et garçons, répartis en Chœur d’enfants, Jeune ensemble et Chœur d’adultes, recevant un total annuel de quelque 5000 heures de cours dispensées par vingt-cinq professeurs, le tout sous l’égide de Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris, institution créée en 1991.
« Les Chorals pour orgue du Manuscrit de Leipzig »
LIVRET ALLEMAND Durée : 1h 10′ 50″ + 39′ 50″ 2 CD Hochschule für Musik, Theater und Medien Hannover (HMTMH n°27), 2023
Emmanuel Le Divellec, orgue Thomas (2019) de la Neustädter Hof- und Stadtkirche St. Johannis de Hanovre (Basse-Saxe)
Kirchenmusikchor & Instrumentalensemble de la Hochschule für Musik, Theater und Medien Hannover, dir. Daniel Zimmermann
L’occasion d’entendre Emmanuel Le Divellec en concert est rare dans l’Hexagone, un peu moins en Suisse, notamment à Romainmôtier, où il enseigne l’été et donnera un concert le 13 juillet – outre l’orgue Neidhardt et Lhôte de 1972, l’abbatiale abrite depuis 2018 dans la chapelle Saint-Michel (chapelle haute du narthex) l’orgue personnel de Luigi Ferdinando Tagliavini, un Kuhn de 1997 ; Tobias Willi (Zurich) touchera quant à lui l’orgue Albert Alain installé dans les combles de la Grange de la Dîme (1). Emmanuel Le Divellec se fait tout aussi rare au disque, mais on se souvient d’un beau programme Grigny, Bach et Boëly (avec l’achèvement par ce dernier de la Fuga a tre soggetti de L’Art de la Fugue) à l’orgue Goll de l’Église française de Berne dont il était alors titulaire, disque gravé en 2005 (Gallo CD 1186, 2009) ; également de sa participation au poétique album Caro Mea : Messe d’Escalquens (1935) et Corpus Christi (1979) de Jean Langlais par l’Ensemble vocal féminin Ad Limina, complété de pièces d’orgue (+ improvisation), CD lui aussi enregistré en 2005 (Hortus 040, 2006).
Hermann Schroeder (1904-1984) : Partita „Veni creator spiritus” : Toccata – Ostinato – Bizinium – Arioso – Fantasia-Ricercare * Maurice Duruflé (1902-1986) : Choral varié sur le thème du « Veni Creator » * Richard Wagner (1813-1883 : Ouvertüre „Die Meistersinger von Nürnberg“ * Hermann Schroeder : Choralfantasie „O heiligste Dreifaltigkeit” : Allegro – Andante – Allegro ** Louis Vierne (1870-1937) : Impromptu op. 54 n°2, Toccata et Sicilienne op. 53 n°6 et 2 ** Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Prélude et fugue en ré majeur BWV 532 *** Hermann Schroeder : Partita „Veni creator spiritus” ***
LIVRET ALLEMAND Durée : 1h 16′ 04″ 10. Internationaler Orgelwettbewerb um den Hermann-Schroeder-Preis – 2024
Manuel Pschorn *, Giacomo Gabusi **, Luise Künzl ***, orgue Eule (2014) de la basilique de Constantin (Evangelische Kirche zum Erlöser – église évangélique du Rédempteur), Trèves (Rhénanie-Palatinat)
Compositeur de musique sacrée faisant une place particulière à l’orgue, auteur d’un riche corpus de musique d’orchestre, concertante, vocale, de chambre (y compris avec orgue) et d’un unique opéra (Hero und Leander, 1944-1950, d’après le dramaturge autrichien Franz Grillparzer), chef d’orchestre et organiste réputé, Hermann Schroeder, peu connu en France (mais l’est-il vraiment en Allemagne ?), fut aussi un professeur de renom à la Musikhochschule de Cologne, où lui-même avait étudié, et maître de conférences aux universités de Bonn et de Cologne – Karlheinz Stockhausen fut au nombre de ses élèves… Schroeder demeure fidèle à un néoclassicisme personnalisé s’inscrivant dans les formes traditionnelles, sans se départir d’une « objective » modernité, longtemps minorée mais désormais réappréciée (on le place volontiers dans la mouvance d’un Hindemith). Développements structurés et d’une concision dynamique qui en renforce l’impact, élaboration savamment ordonnée et tenue sans faille de l’écriture sont des constantes de sa musique. Un site en allemand est dédié au musicien et à son œuvre, assorti d’une discographie permettant de la découvrir, dont chaque année, depuis la 4ème édition, le CD du Concours de Trèves – un onglet (Orgelwettbewerb) renvoie également vers ce Concours (1).
[ou : Michel Chapuis, André Isoir, Odile Pierre et Xavier Darasse à Notre-Dame de Paris]
Nicolas de Grigny (1672-1703) : Hymne « Ave maris stella » (1) Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passacaille et thème fugué BWV 582 (1) Louis Vierne (1870-1937) : Allegro de la Deuxième Symphonie op. 20 (2) Charles Tournemire (1870-1939) : Paraphrase-Carillon op. 57 Office de l’Assomption (2) Maurice Duruflé (1902-1986) : Suite op. 5 Prélude, Sicilienne, Toccata (3) Olivier Messiaen (1908-1992) : Transports de joie d’une âme devant la gloire du Christ qui est la sienne (L’Ascension) (4) György Ligeti (1923-2006) : Volumina (4)
LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS Durée : 1h 17′ 03″ Disques FY & du Solstice SOCD 413 – 2024
Michel Chapuis, 17.XII.1977 (1) ; André Isoir, 7.IV.1979 (2) ; Odile Pierre, 10.XII.1977 (3) ; Xavier Darasse, 14.II.1971 et 11.III.1972 (4), orgue Clicquot–Cavaillé-Coll–Boisseau, 1788 – 1868 – 1965, de Notre-Dame de Paris
Présentées à l’époque, de façon merveilleuse, par le chanoine Jehan Revert (1920-2015), maître de chapelle et voix si chaleureuse et musicale de la cathédrale, les auditions d’orgue de Notre-Dame n’ont cessé de rassembler des foules considérables, dimanche après dimanche (avant d’être avancées au samedi soir pour éviter le redoutable bruit de fond de la circulation des visiteurs). Elles restent associées à Pierre Cochereau (1924-1984) qui les créa en 1968 – mais, nous apprend François Carbou, à l’instigation du recteur de Notre-Dame, le chanoine Émile Berrar (1912-2009). Et Cochereau de confier aussitôt la mission d’organiser ce rendez-vous hebdomadaire au même François Carbou, lequel non seulement enregistrait Cochereau lors des offices et en concert, mais fit de même pour les auditions, jusqu’à l’arrivée des nouveaux titulaires en 1985, créant ainsi un fonds d’archives d’une exceptionnelle richesse et diversité.
Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Entrée de Polymnie [Les Boréades] (transcription : Adrien Parret) Matthias Van den Gheyn (1721-1785) : Prélude V Georges Bizet : « Je crois entendre encore » [Romance de Nadir, Les pêcheurs de perles] (transcription : E. Utten) Francisco Tárrega (1852-1909) : Capricho arabe (transcription : Nathan Brazier) Heitor Villa-Lobos (1887-1959) : Étude pour guitare n°1 (transcription : Nathan Brazier) Léon Henry (1888-1955) : Gavotte Pastorale Jacques Lannoy (1931-2022) : Suite française Robert Byrnes : On the San Antonio River Philippe Quattroccolo : Rétromorphose 1 * Gabriel Marghieri : Angelus * Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Sicilienne BWV 1031 (transcription : P. Bremer) Matthias Van den Gheyn : Prélude VIII Staf Nees (1901-1965) : Rythmendans – Fantasia Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Valse (Suite pour orchestre de variété n°1, improprement dite Suite de jazz n°2) Erik Satie (1866-1925) : Gnossienne n°1 (transcription : Nathan Brazier) Loïc Mallié : Cloches en jeu * Anonyme : Sonnerie des trois cloches de volée du Mas-Rillier
* Première mondiale
Adrien Parret, carillons de Miribel (Paccard, 1939 – plages 1 à 10, de Rameau à Marghieri + Sonnerie finale) et de Chambéry (Paccard, 1993 – plages 11 à 17, de Bach à Mallié)
Clavier, pédalier… carillonneurs et organistes ont plus d’un point commun, à commencer par le caractère unique de chaque instrument, en fonction de sa facture, du lieu et de son acoustique, avec un nécessaire apprivoisement d’un instrument à l’autre. Et la contrainte supplémentaire, pour le carillon, de sonner en plein air, soumis à toutes sortes d’aléas atmosphériques. Pour l’essentiel, néanmoins, la différence de principe sonore est considérable, d’un côté le bronze frappé, de l’autre l’air sous pression. Deux mondes sonores.
Prélude liturgique improvisé – Communion improvisée * Hommage à Domenico Scarlatti : Sonate en ré mineur ** Sonate en sol majeur ** Suite française improvisée : Plein Jeu – Basse de trompette –Fond d’orgue – Grand Dialogue ** Improvisation sur un thème grégorien ** Improvisation libre *** Diptyque improvisé : Allegro agitato – Andante sostenuto *
PAS DE LIVRET (CD sous simple étui) Durée : 1h 6′ 53″ Quantum QM 7092 – 2022
Orgues Cavaillé-Coll–Gloton-Debierre–Lacorre (1885-1938-2018) de Notre-Dame d’Auteuil, Paris * ; Klais (1980-2007) de la cathédrale d’Altenberg (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) ** ; Kleuker (1981) de l’église du Chant d’Oiseau, Bruxelles ***
Une vie de concertiste et d’organiste liturgique mêle très souvent répertoire, improvisation et transcription. Les dernières parutions de Frédéric Blanc font écho à ces diverses facettes d’un art multiforme. Ainsi le CD gravé en 2022 pour ROB Records [Renaissance de l’Orgue à Bordeaux] à l’orgue Commaille (1890) de Barsac, au sud-est de la métropole aquitaine, chaleureux portrait d’un instrument de taille modeste (17/II+Péd.) mais qui fait grandement et magnifiquement sonner un choix de pièces signées Jean Bouvard, Jehan Alain, Vierne, Tournemire, Fauré, Dupré, Langlais, Fleury, Franck – mais aussi des chorals de Cantates de Bach transcrits par Duruflé.
Jocelyn Daubigney, flûte Yves Castagnet, orgue de chœur de Notre-Dame de Paris (Boisseau, 1969)
Jehan Alain (1911-1940) : Trois Mouvements Hermann Schroeder (1904-1984) : Sonate Béla Bartok (1881-1945) : Pour les enfants (7 extraits) Benjamin Godard (1849-1895) : Idylle Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : Orphée (extrait) Georg Philipp Teleman (1681-1767) : Sonate en fa mineur Johann Ludwig Krebs (1713-1780) : Fantaisie en fa mineur Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Sonate en fa majeur
LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS Ø 1992 – 2025, Ad Vitam Records AV 241115
Entre 1993 et 1997, sous étiquette Sony puis RCA Victor distribué par BMG, ont paru deux collections passionnantes faisant entendre une pléiade de musiciens français ainsi que la très francophone organiste romaine Livia Mazzanti (Nino Rota, Tonhalle de Zurich) : Organa Viventia et Organa Via. Des Messes de Couperin par Michel Bouvard (Saint-Maximin et Cintegabelle) à un mémorable Schumann d’Olivier Latry (Cavaillé-Coll de Saint-Omer), qui sur le Clicquot de Poitiers offrait aussi un florilège consacré aux Organistes de Notre-Dame de Paris du XVIIe siècle à nos jours (vol. 1), du Brahms de Luc Antonini (Toulouse, La Daurade) au Duruflé de Jean-Pierre Lecaudey (Saint-Rémy-de-Provence), parmi bien d’autres titres – dont quatre volumes Bach.
Johann Sebastian Bach : (1685-1750) : Fantaisie en ut mineur BWV 562 – Choral Wachet auf, ruft uns die Stimme BWV 645 (Schübler) – Choral Nun komm, der Heiden Heiland BWV 659 (Leipzig) Dietrich Buxtehude : (1637-1707) : Praeludium en ré mineur BuxWV 140 – Choral Nun komm, der Heiden Heiland BuxWV 211 Johann Sebastian Bach : Pièce d’orgue BWV 572 Nicolaus Bruhns (1665-1697) : Choralfantasie sur Nun komm, der Heiden Heiland Johann Sebastian Bach : Choral Allein Gott in der Höh sei Ehr BWV 663 (Leipzig) –Choral Ach bleib bei uns, Herr Jesu Christ BWV 649 (Schübler).
Benoit Mernier, Orgue Thomas (2023) de l’église Saint-Loup de Namur, Belgique
Quel meilleur point de départ pour mettre en lumière les relations entre ces trois maîtres baroques issus d’aires géographiques et culturelles distinctes qu’une vue de l’esprit prenant de la hauteur ? En l’occurrence celle recherchée et autorisée par un projet d’orgue à même de rendre justice aux répertoires d’Allemagne centrale et d’Allemagne du Nord. À la fois Silbermann, Hildebrandt Zacharias et Schnitger, ce qu’histoire et patrimoine ne sauraient offrir et que seul un orgue d’aujourd’hui, singulier et pluriel, permet d’envisager. L’idée a pris corps, magnifiquement, à Saint-Loup de Namur où la manufacture Orgues Thomas a érigé un instrument neuf (40/III+Péd.) réutilisant le grand corps du buffet Merklin complété d’un Positif dorsal également neuf, le Positif d’origine rejoignant la nef pour abriter un instrument d’esthétique classique franco-liégeoise (10/I+Péd. en tirasse permanente), avec remploi des tuyaux de Sébastien Lachapelle (1738). Ces deux orgues (1) ont été inaugurés les 26 et 27 octobre 2023 par Cindy Castillo (conservateur – elle y a enregistré en avril 2024 L’Offrande musicale de Bach dans un agencement très particulier, Ricercar RIC472, date de sortie : 17.I.2025), Bernard Foccroulle, Benoît Mernier et Roland Servais (expert de ce projet).