
Johann Sebastian Bach : (1685-1750) :
Fantaisie en ut mineur BWV 562 – Choral Wachet auf, ruft uns die Stimme BWV 645 (Schübler) – Choral Nun komm, der Heiden Heiland BWV 659 (Leipzig)
Dietrich Buxtehude : (1637-1707) :
Praeludium en ré mineur BuxWV 140 – Choral Nun komm, der Heiden Heiland BuxWV 211
Johann Sebastian Bach : Pièce d’orgue BWV 572
Nicolaus Bruhns (1665-1697) : Choralfantasie sur Nun komm, der Heiden Heiland
Johann Sebastian Bach : Choral Allein Gott in der Höh sei Ehr BWV 663 (Leipzig) – Choral Ach bleib bei uns, Herr Jesu Christ BWV 649 (Schübler).
LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS
DURÉE : 1H 5’ 16 » – CYPRES CYP1686
Benoit Mernier, Orgue Thomas (2023) de l’église Saint-Loup de Namur, Belgique
Quel meilleur point de départ pour mettre en lumière les relations entre ces trois maîtres baroques issus d’aires géographiques et culturelles distinctes qu’une vue de l’esprit prenant de la hauteur ? En l’occurrence celle recherchée et autorisée par un projet d’orgue à même de rendre justice aux répertoires d’Allemagne centrale et d’Allemagne du Nord. À la fois Silbermann, Hildebrandt Zacharias et Schnitger, ce qu’histoire et patrimoine ne sauraient offrir et que seul un orgue d’aujourd’hui, singulier et pluriel, permet d’envisager. L’idée a pris corps, magnifiquement, à Saint-Loup de Namur où la manufacture Orgues Thomas a érigé un instrument neuf (40/III+Péd.) réutilisant le grand corps du buffet Merklin complété d’un Positif dorsal également neuf, le Positif d’origine rejoignant la nef pour abriter un instrument d’esthétique classique franco-liégeoise (10/I+Péd. en tirasse permanente), avec remploi des tuyaux de Sébastien Lachapelle (1738). Ces deux orgues (1) ont été inaugurés les 26 et 27 octobre 2023 par Cindy Castillo (conservateur – elle y a enregistré en avril 2024 L’Offrande musicale de Bach dans un agencement très particulier, Ricercar RIC472, date de sortie : 17.I.2025), Bernard Foccroulle, Benoît Mernier et Roland Servais (expert de ce projet).

C’est cet orgue puissamment caractérisé, tenant l’équilibre entre présence et discrétion affirmées : quelques jeux suffisent pour s’élever à une authentique plénitude sonore, que Benoît Mernier a choisi pour ce portrait croisé, avec pour fil rouge le choral Nun komm, der Heiden Heiland (Erfurt 1524, texte de Martin Luther), version allemande du Veni redemptor gentium de saint Ambroise, patron de Milan. Choisir par ailleurs un disque récital de musique ancienne pour fêter ses soixante printemps (2), et non, par exemple, un portrait rétrospectif de son œuvre de compositeur, n’est certes pas anodin. On serait tenté d’y voir, outre les possibilités pour l’interprète-créateur de se confronter à d’illustres devanciers, une juste marque d’émancipation, le musicien d’aujourd’hui proposant un cheminement personnel dans la réalisation poétique de son dessein.




C’est ce que l’on perçoit dès la Fantaisie BWV 562 de Bach, restituée avec un « détachement » souverain qui de prime abord surprend, désarme l’auditeur. Le reste du programme ne tarde pas à conforter un même sentiment : avec l’honnêteté et la modestie vraie d’un musicien vivant et se confrontant à la musique depuis des décennies de conscience et d’analyse, arrive « logiquement » ce moment implicite où tout bascule : plus rien à prouver, jouer pour soi, et pour les autres naturellement, en toute liberté.
La liberté de Benoît Mernier en sa maturité irradie cette grande heure de musique. S’y ressent un pur bonheur de jouer, conquérant mais décanté, servi par une palette subtile et incisive, chaleureuse et liante. Les fonds, splendidement individualisés, mais aussi les anches, pensées comme solistes ou en consort, sont de pures merveilles. Les états de l’écriture dans toute leur diversité s’en trouvent magnifiés, de la polyphonie au chant orné. Mains et pieds dansent, par la grâce d’un toucher aussi articulé et aéré, presque immatériel, que galbant la phrase, sous-tendue d’un souffle unifié. Le mordant vif et chantant des attaques permet à cet égard nombre de petits miracles. L’art du chant, dans les chorals comme dans les textures les plus complexes, y est porté à un haut degré d’intensité, source vive d’un jeu sobre mais rayonnant, y compris dans les moments paroxystiques de la dramaturgie du diptyque BWV 542, particulièrement prenant. Un point d’équilibre affranchi de toutes contraintes.
(1) Orgues Thomas (tribune et nef) de Saint-Loup de Namur
https://www.orguesthomas.com/INSTRUMENTS/Dernière-inauguration
https://orguesdesaintloup.be/a-propos-des-orgues/
(2) Orgues Nouvelles – rubrique Échos (12.XI.2024)
https://orgues-nouvelles.org/transmission/
Benoît Mernier
https://www.21music-publishing.com/benoit-mernier
CD de Saint-Loup de Namur et discographie de Benoît Mernier compositeur
http://www.cypres-records.com/index.php?lang=fr&option=com_phpshop&page=shop.product_details&flypage=shop.flypage&product_id=312&category_id=1&Itemid=6