SORTIES CD

Par Michel Roubinet

Yves Castagnet

Magnificat
Trois Psaumes

LIVRET FRANÇAIS / ANGLAIS / ALLEMAND
Durée : 1h 01″
Warner Classics 5021732250858, 2024

Maîtrise Notre-Dame de Paris, dir. Henri Chalet
Yves Castagnet, orgue Cavaillé-Coll–Beuchet–Dargassies (1859-1933-2005) de l’église Sainte-Clotilde, Paris

La saison 2024-2025 de la Maîtrise Notre-Dame de Paris (1) s’annonce fidèle à la tradition de diversité esthétique et d’éclectisme culturel que l’on connaît depuis l’origine, tout en mettant l’accent sur la création. Plusieurs commandes y seront données en première mondiale, ainsi les Trois Motets pour Notre-Dame de Lise Borel (25 mars), le Te Deum pour Notre-Dame de Thierry Escaich (12 juin) et une Cantate sur le thème de la paix de Fabrice Gregorutti : Pax, Et in Terra Pax (3 juillet) – puis deux messes pour chœur et orgue, en 2025-2026, l’une de la compositrice anglaise Judith Weir, l’autre de Jean-Charles Gandrille. Rappelons que la Maîtrise est avant tout une école de chant, avec une double mission : participer à la vie liturgique (jusqu’à 1200 offices par an) et à la saison musicale de la cathédrale. Soit cent-cinquante élèves et étudiants de 5 à 28 ans, filles et garçons, répartis en Chœur d’enfants, Jeune ensemble et Chœur d’adultes, recevant un total annuel de quelque 5000 heures de cours dispensées par vingt-cinq professeurs, le tout sous l’égide de Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris, institution créée en 1991.

Magnificat de Yves Castagnet : I. Magnificat (extrait)

L’œuvre choisie pour le disque célébrant la réouverture de la cathédrale a été composée au printemps 2020 par l’un des piliers de la Maîtrise : Yves Castagnet, organiste de chœur depuis 1988, qui à ce titre accompagne les chanteurs de Notre-Dame au quotidien. Virtuose et concertiste accompli, il s’est aussi imposé comme compositeur de musique principalement vocale, destinée à « sa » cathédrale et s’inscrivant à merveille dans la double mission liturgique et de concert de la Maîtrise, jusqu’à constituer une œuvre véritable (2) dont le disque, au fil des ans, n’a pas manqué de se faire l’écho, naturellement dans l’interprétation de la Maîtrise dirigée par Lionel Sow puis Henri Chalet : Messe Salve Regina (CD Hortus 056, 2007), Ô Notre-Dame du soir, qui referme Le Livre de Notre-Dame (2013) commandé à quinze compositeurs à l’occasion du jubilé de la cathédrale (CD Maîtrise Notre-Dame de Paris 005, 2015) ; Veni Sancte Spiritus (Notre-Dame – Cathédrale d’émotions, Warner Classics, 2020 – sur ce même disque figure le propre Magnificat de Jean-Charles Gandrille) ; Guéris nos cœurs, Seigneur Jésus et J’ai vu l’eau vive pour chœur mixte à quatre voix et orgue, mais aussi la désormais célèbre Messe brève, ancrée dans le répertoire de la Maîtrise – elle était au programme de sa première tournée aux États-Unis, en octobre 2023 (Pâques à Notre-Dame, Warner Classics, 2022).

L’idée d’écrire un Magnificat pour Notre-Dame n’a cessé d’accompagner le compositeur, qui a fini par franchir le pas en offrant à cette occasion son œuvre la plus développée (43′). Si le disque permet d’ores et déjà de le découvrir, le Magnificatd’Yves Castagnet ne sera créé à Notre-Dame que le 30 septembre 2025, avec le compositeur au grand orgue. Musicien incontestablement français au sens d’une lumineuse économie des moyens, d’une écriture riche et subtilement aérée mettant en œuvre un univers harmonique aussi affirmé et mesuré que complexe, Yves Castagnet fuit toute ostentation, parvenant toujours, quel que soit le format de l’œuvre et via une distance habitée, à une plénitude empreinte de ferveur et, pour ainsi dire, de vive pudeur. Il en résulte souffle et grandeur, sobres et inspirés, sans jamais rien de vainement « grandiose », y compris dans les sommets d’intensité les plus véhéments. Si le langage est personnel, ce Magnificat revendique une « influence » traitée telle une authentique révérence : « Puis le temps a passé, et j’ai fini par accepter l’idée de laisser s’exprimer mon attirance pour ce texte, sans crainte ni appréhension, mais au contraire en cherchant l’inspiration dans la version de Bach, non pas dans sa musique bien sûr, mais dans sa forme et sa construction. » Et comme dans le Magnificat BWV 243, sur les mots Sicut erat in principio du Gloria Patri final revient la mystérieuse musique initiale, qui roule et se déploie dans le grave mouvant de l’orgue. Une grande œuvre, idéalement interprétée, de façon consubstantielle, par le Chœur d’adultes de la Maîtrise, dont quatre solistes, et Yves Castagnet lui-même à la console de nef de Sainte-Clotilde, dirigés par Henri Chalet. En guise de généreux et superbe complément, les Trois Psaumes de 1996 (Psaumes 26 et 18) et 2011 (Psaume 115), eux aussi entrés au répertoire liturgique et de concert de la Maîtrise – on l’on relève notamment un saisissant recours au tuilage de pupitres sur répétitions d’incises des textes et accompagnement en vagues inépuisables –, chaque pièce s’éteignant dans la douceur sans amoindrir la force de la déclamation et du propos.

Maîtrise Notre-Dame de Paris- Henri Chalet et Yves Castagnet-© DR

(1) Maîtrise Notre-Dame de Paris

(2) Œuvres d’Yves Castagnet

https://symetrie.com/fr/auteurs/yves.castagnet