Organo/Logics
Œuvres de Karlheinz Essl (né en 1960)

Orgue Kuhn (2003) de la
Hofburgkapelle, Vienne (Autriche)
LIVRET ALLEMAND/ANGLAIS
DURÉE : 53’54 »
CD COL LEGNO MUSIC WWE 20457 (2023)

vingt secondes (2020)
Prendere il Fa (2021)
Puzzle of Purcell (2017)
Partikel-Bewegung (1991/2016)
unbestimmt (2020)
tenet opera rotas. Palindrome for organ (2020)
après l’avant. Electronic sound performance (2021/2022)
WebernSpielWerk / Music for Anton Webern (2005/2012)
HerrGott! Kommentar zu einem Wienerlied (2019)
Listen Thing. Palindrome Christmas Canon in 4 Parts (2008)
Bonus track : Orgue de Cologne (1986)
A rose is a rose is…
Œuvres de Christoph Herndler (né en 1964)

LIVRET ANGLAIS
DURÉE : 1h4’30 »
CD DA VINCI CLASSICS C00735 (2023)

Variations sérieuses Variation after Mendelssohn op. 54 (2009) ****
A rose is a rose is… (2017) ***
Taktzittern (2015/2019) ***
Rondo (2017) *Asche (2019) **
Orgues Kuhn (détails ci-dessous)
Horizon

Orgues Kuhn (Männedorf, Suisse) :
• Jesuitenkirche (2009), Heidelberg *
• Stiftskirche St. Arnuald (1995), Saarbrücken **
• Salvatorkirche (2002), Duisburg ***
• Kulturkirche St. Johannis (1998), Hamburg-Altona ****

Friedrich Cerha (1926-2023) : Toccata (2020) **
Klaus Lang (né en 1971) : weissbärtig. mond. (2011) *
Jean-Pierre Leguay (né en 1939) : Péan IV (2004) *
Younghi Pagh-Paan (née en 1945) : Seht die Lilien an, wie sie wachsen (2015) **
Christoph Herndler (né en 1964) : A rose is a rose is… (2017) ***
Bernd Richard Deutsch (né en 1977) : Toccata octophonica (2004/2005) ****
Thomas Lacôte (né en 1982) : Agencement-Rhizome (2004) *
Wolfgang Suppan (né en 1966) : Influx (2017) *
Zsigmond Szathmáry (né en 1939) : Toccata breve (2019) *
LIVRET ALLEMAND/ANGLAIS
Durée : 1h12’04 »
CD Cantate C58055 (2022)
Rien de plus vivifiant que de jeter une oreille hors de nos frontières afin de ressentir la diversité de la scène contemporaine. L’occasion en est ici donnée par trois CD de musique actuelle, les deux premiers étant dédiés à l’œuvre pour orgue de deux créateurs, dont un non-organiste, recourant diversement à des procédés de notation musicale singuliers, aussi personnels que ceux d’un Ligeti en son temps. Tous dans l’interprétation de Wolfgang Kogert (1), titulaire du Kuhn (2003) de la Hofburgkapelle de Vienne (chapelle du Palais impérial) et professeur au Mozarteum de Salzbourg, dont le répertoire revendique une amplitude temporelle maximale : du Robertsbrigde Codex (1360) à la musique présente, lui-même ayant suscité la composition (et créé) de nombreuses pièces. En témoigne sa vaste discographie, aux multiples échos de compositeurs vivants répondant ses CD Johann Kaspar Kerll ou Georg et Gottlieb Muffat (orgues Wöckherl, 1642, de la Franziskanerkirche et Sieber, 1714, de la Michaelerkirche, Vienne). Il est aussi Kustos (conservateur) de l’orgue Schuke (1983) de la Grande Salle de la Radio autrichienne (ORF RadioKulturhaus) et par ailleurs responsable de l’orgue au Carinthischer Sommer (« Été de Carinthie »), festival consacré depuis 1969 à la musique classique, au jazz et au crossover.
ORGANO/LOGICS

Le catalogue considérable de Karlheinz Essl (2), compositeur, performer, improvisateur, media artist et professeur de composition (étudiée auprès de Friedrich Cerha – et de Dieter Kaufmann pour l’électro-acoustique) fait une place prépondérante à l’électronique. Ainsi de sa première, brève et longtemps unique pièce pour orgue, Orgue de Cologne (1986), dans laquelle il rejoint ici même Wolfgang Kogert pour un traitement en temps réel dans l’acoustique de la Hofburgkapelle – dont l’orgue, sur la plus haute des trois tribunes superposées de cette église gothique, est invisible depuis la nef. De même pour après l’avant, ces deux pages étant parmi les plus captivantes sur le plan des timbres, la frontière/reconnaissance de ce qui est orgue et/ou électronique défiant l’entendement, au sens propre.
Dans ses autres pièces d’orgue écrites à partir de sa rencontre avec Wolfgang Kogert en 2016 (il manque une œuvre composite de 2006, également en raison de sa durée [42’] : Deconstructing Mozart, pour ordinateur, orgue d’église et electronics), Karlheinz Essl fait partiellement usage de la notation traditionnelle : Puzzle of Purcell, Ricercar (« présentant six couches temporelles différentes ») ou Listen Thing (canon de Noël à quatre parties sur la mélodie de Douce nuit, version boîte à musique ou version orgue, piano toy, célesta ou clavecin), pages les plus « écrites » au sens convenu du terme, aussi bien que de systèmes spécifiques pour telle ou telle pièce (cf. l’exemple de Partikel-Bewegungen, œuvre avec voix : ici l’« actrice-chantante » et performeuse Anna Clare Hauf), ou encore mixte, comme dans Prendere il Fa (3), œuvre en continuelle et régulière accélération-décélération où l’on trouve un type de tenues parallèles (notamment page 4) évoquant la première des Drei Metamorphosen de Werner Jacob. À l’instar de Listen Thing, une autre page fait appel à l’idée graphique du palindrome : l’œuvre en hommage à Anton Webern tenet opera rotas, écho du traitement par Webern du palindrome Sator arepo (4). Parmi les caractéristiques propres à la mise en œuvre de chacune des pièces, on relève dans unbestimmt le recours au tirage progressif et/ou incomplet des registres afin d’agir sur le spectre harmonique (on songe à Gerd Zacher dans Kunst einer Fuge).
A ROSE IS A ROSE IS…
Il en va tout autrement du CD consacré à Christoph Herndler : « Qualifier les pièces de Christoph Herndler […] d’œuvres pour orgue n’est que partiellement exact. Bien […] qu’il ait adapté les pièces en question spécifiquement pour l’orgue, en tant que compositeur, il opère à un niveau plus abstrait, développant ce que l’on appelle des graphiques de notation – parfois même des objets de notation tridimensionnels [cf. Übergang und Schnitt, base graphique de la pièce Asche] – qui ne spécifient généralement pas l’instrumentation et n’exigent pas nécessairement que les structures graphiques soient utilisées comme point de départ d’une interprétation musicale. Ces graphiques pourraient tout aussi bien être utilisés pour la danse ou pour contrôler des mouvements de caméra – Herndler les appelle « interfaces de croisement des médias » – et il a même créé un graphique de notation qui pourrait être utilisé pour distiller du schnaps. » [cf. texte de présentation du CD, suivi d’explications sur les graphiques de notation assorties d’exemples]











Si la séduction musicale n’est sans doute pas toujours à la hauteur de l’intérêt préalablement suscité par la démarche « conceptuelle », le décor est néanmoins planté et permet d’approcher l’œuvre d’un artiste se présentant avant tout tel un graphiste, la transposition musicale se parant inévitablement d’une dimension « aléatoire ». Il suffit pour s’en convaincre d’écouter Taktzittern 2015 für Orgel und/oder 2 Streichinstrumente (« pour orgue et/ou deux instruments à cordes ») par le compositeur puis par Wolfgang Kogert (deux captations pour ce dernier, avec celle du CD, même s’il s’agit alors de la version révisée et augmentée de 2019) pour réaliser que chaque interprétation ne peut qu’être une recréation pour ainsi dire autonome (6). Sachant que Wolfgang Kogert a réalisé cet album en étroite collaboration avec le compositeur pour un résultat néanmoins différent de celui de l’auteur, se pose de facto la question de la lecture et plus globalement de la compréhension-transposition instrumentale de supports purement graphiques, et par ricochet celle de la postérité d’un tel « répertoire », avec une probable distorsion au gré d’approches ultérieures qui ne seraient plus la résultante d’une concertation « à la source ».
« Les graphiques de Herndler ne visualisent pas les progressions musicales ; ils codifient simplement les progressions possibles. Les graphiques de notation ressemblent à de l’art abstrait géométrique et visent à « révéler la forme au sein de la notation elle-même » par des moyens minimaux. » Ou encore : « Les symboles abstraits des graphiques de notation de Herndler peuvent être interprétés de diverses manières pour produire différentes qualités sonores ou instructions d’exécution, selon les préférences de l’interprète. […] Au début, l’interprète est libre et doit choisir l’une des nombreuses voies possibles. Cependant, une fois que la « pierre » est mise en mouvement, sa trajectoire est décidée et suit des critères strictement ordonnés. Le son lui-même reste cependant indéterminé. »
Rondo, page brève de 2017, peut servir d’indicateur musical et instrumental, par-delà son graphisme reposant sur l’archétype proposé pour A rose is a rose is… (motif de base, 2010 ; graphique augmenté, 2017), dans la mesure où l’auteur en a également proposé une version « réalisée » en notation traditionnelle – de vraies notes sur des portées… (7).
HORIZON
D’une écoute sensiblement plus aisée, le troisième CD appelle moins de commentaires : il s’agit d’un récital d’œuvres beaucoup plus « traditionnelles », permettant au passage d’apprécier selon des critères également plus coutumiers la palette des magnifiques orgues Kuhn utilisés. Pour la plupart d’envergure et d’une appréciable diversité stylistique, instrumentale et émotionnelle, ces œuvres ont toutes été composées au cours de ce premier quart du XXIe siècle et sont ici proposées en première mondiale. À l’exception de Péan IV de Jean-Pierre Leguay, même si l’unique version existante figure sur un CD de 2006 en réalité hors commerce : Ghislain Leroy l’avait enregistré, en concert à l’orgue du Studio 104 de la Maison de la Radio, pour la collection Déclic (n°59), album coproduit par feu l’AFAA (Association française d’action artistique, ancien opérateur délégué du Ministère des Affaires étrangères – à ne pas confondre avec l’Association Française des Agents Artistiques) et Radio France. À noter que figure aussi sur cet album sans doute difficile à trouver la création mondiale (commande de RF) d’une pièce de Thomas Lacôte : Et l’unique cordeau des trompettes marines (des Trois Études pour orgue), que Ghislain Leroy a réenregistrée pour Hortus en 2013 à l’orgue de la Trinité, Paris (The Fifth Hammer, Hortus 106), au côté du compositeur – Ghislain Leroy qui, le 15 février 2005, au CNSM de Lyon, créait Agencement-Rhizome du même Thomas Lacôte : son premier opus pour orgue, dont Wolfgang Kogert propose ici même la première gravure commerciale.
Où l’on retrouve en ouverture de programme le nom de Friedrich Cerha, compositeur viennois entre-temps décédé, âgé de 94 ans lorsqu’il composa cette Toccata juvénile et d’une formidable tonicité, à laquelle répond la Toccata non moins séduisante de Zsigmond Szathmáry, qui n’avait lui que 80 ans en 2019… En guise d’épicentre de ce stimulant CD s’enchaînent l’œuvre poétique de la Sud-Coréenne Younghi Pagh-Paan d’après l’Évangile selon saint Matthieu (6,28 – même idée chez Luc, 12,27) : « Observez comment poussent les fleurs des champs : elles ne travaillent pas, elles ne se font pas de vêtements », mais aussi A rose is a rose is… de Christoph Herndler – publication originale de la gravure précédemment rencontrée.
(1) Wolfgang Kogert
https://www.wolfgangkogert.com












Orgues Kuhn – avec index et possibilité de recherche par lieux des instruments entendus sur ces trois CD
https://www.orgelbau.ch/fr/orgues.html
> CD Karlheinz Essl
https://essl.at/records/organologics.html
(2) Karlheinz Essl
https://essl.at/curriculum.html
(3) Prendere il Fa – partition en téléchargement gratuit
https://www.essl.at/div/scores/prendere-il-fa.pdf
(4) Tenet opera rotas – Carré Sator
https://fr.wikipedia.org/wiki/Carré_Sator
https://brahms.ircam.fr/fr/works/work/12639/
CD ORGANO/LOGICS – Wolfgang Kogert spielt sämtliche Orgelwerke von Karlheinz Essl (vidéo)
[Wolfgang Kogert joue l’intégrale des œuvres pour orgue de Karlheinz Essl]
https://www.youtube.com/watch?v=5QFEGahjV5U
> CD Christoph Herndler
https://davinci-edition.com/product/c00735/
(5) Christoph Herndler
https://www.herndler.net/objekte.html#schnitt
(6) Taktzittern 2015 für Orgel und/oder 2 Streichinstrumente (littéralement : « Tremblement de mesure », pour orgue et/ou deux instruments à cordes, œuvre révisée en 2019) – interprétation de l’auteur
https://www.herndler.net/#2015-2019
Version originale de 2015 jouée par Wolfgang Kogert en 2017 à l‘orgue Rieger (1991, bas-côté sud, près de la croisée) de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne
https://www.youtube.com/watch?v=U7wbqNq7eNI
(7) Rondo (2017) par Wolfgang Kogert, enregistrement sur le vif du 16.IX.2017 à l’abbaye de Lilienfeld (Basse-Autriche) lors du Festival Musica Sacra – vidéo avec partition (pièce en notation traditionnelle)
https://www.youtube.com/watch?v=2BWCTgUES4k
Pour les germanophones :
- Interview de Christoph Herndler au sujet du programme de ce CD
https://www.musicaustria.at/notation-wirkt-auf-die-gedanken-ein-christoph-herndler-im-mica-interview/ - Interview de Wolfgang Kogert
https://www.musicaustria.at/alle-stuecke-sind-mir-gleich-nah-wolfgang-kogert-im-mica-interview/
> CD Horizon
https://www.cantate-musicaphon.de/c58055.html