Paris, les Jeux olympiques, Notre-Dame… Une trilogie qui, en 2024, frise le pléonasme.
Évènement sportif et emblème patrimonial se rejoignent pour faire de cette année un point-repère de l’Histoire. Une de celle que l’on n’oubliera pas de sitôt. La reconstruction de la cathédrale, dont la réouverture est prévue en décembre de cette année, marquera une nouvelle ère pour ce lieu emblématique fortement endommagé par le terrible incendie de 2019. L’orgue de chœur a été détruit ; un nouveau est en cours de construction. Le grand orgue, bien qu’endommagé, fut miraculeusement épargné ; il est restauré et en cours d’harmonisation.
Mais les organistes ?
La nouvelle tombe mi-avril : cinq musiciens se partageront l’honneur de servir Notre-Dame. Parmi ceux-ci, des anciens et des nouveaux : Olivier Latry, Vincent Dubois, Thierry Escaich et Yves Castagnet (ce dernier pour l’orgue de chœur), quatre organistes à la carrière internationale solidement implantée, ainsi qu’un jeune étudiant du CNSMDP, Thibault Fajoles, 21 ans, nommé titulaire-adjoint des deux instruments. Johann Vexo (auparavant à l’orgue de chœur) disparaît des cadres. Philippe Lefebvre devient titulaire émérite aux côtés de Jean-Pierre Leguay, auréolé de ce titre depuis 2016. Une annonce laconique. Pas de concours, mais ce qui semble être un mot d’ordre : « une équipe renforcée et rajeunie ».
Les réseaux sociaux s’affolent. Stupéfaction et incompréhension imbibent des commentaires qui, pourtant, n’oublient pas de féliciter comme il se doit les heureux nominés. Les critiques ouvertes restent la plupart du temps anonymes. Le « politiquement correct » serait-il de mise… ?
Mais, sur toutes les lèvres, de nombreuses questions. Pourquoi un tel choix ? Pourquoi de manière aussi brutale et, semble-t-il, sans concertation avec l’ancienne équipe qui, légitimement, aurait pu avoir voix au chapitre ? Pourquoi un étudiant – dont personne ne conteste l’engagement, ni la motivation – encore en cours d’étude ? Pourquoi renoncer à l’arbitrage d’un concours ? Bien sûr, direz-vous, le fait s’est déjà produit dans d’autres grandes tribunes ; et en soi, le concours n’est garant ni d’infaillibilité, ni de justice… Alors les questions s’enchaînent : pourquoi un concours s’il est « truqué » ? Ou si le résultat est connu à l’avance ?
Dans le microcosme des organistes, les nominations à la tribune de Notre-Dame, dans le passé, ont d’ailleurs régulièrement soulevé polémiques et crispations. Celles de Louis Vierne, de Léonce de Saint-Martin, de Pierre Cochereau, entre autres, n’ont pas échappé à la règle en leur temps. Reste que le concours, avec ses limites, représente à ce jour la garantie peut-être la plus solide d’une certaine objectivité en imposant une série d’épreuves dont l’exigence est liée au prestige du poste.
Paris sera toujours Paris… et la célébrissime tribune représente un sésame d’exception pour toute carrière d’organiste. Un tapis rouge que l’on déroule à des musiciens qui seront considérés comme chefs de file, en France comme à l’étranger. Et ne l’oublions pas : choisir cinq musiciens revient à en écarter beaucoup d’autres, bardés de diplômes et possédant une solide expérience liturgique, qui, sans doute, auraient aimé pouvoir tenter leur chance… La démarche aurait mérité davantage d’explication, voire de pédagogie, afin d’éviter un embrasement – probablement comme toujours temporaire – du monde organistique !
Et puis, petite question subsidiaire : à l’heure où nous parlons beaucoup de parité, une femme n’aura-t-elle jamais droit au titre flamboyant d’organiste de Notre-Dame ?
Une nouvelle page s’ouvre. Mais de nombreux feux clignotent… L’incendie n’aurait-il pas été totalement maîtrisé à l’illustre tribune ?
Pascale Rouet