Échos

Sydney Town Hall, une synthèse idéale de l’orgue anglais ?

D’une façon générale, la culture organistique britannique ignore presque tout de ce remarquable instrument, pourtant l’un des représentants majeurs de ce que nous appelons le « son anglais ». Retour sur un orgue présenté dans un récent numéro d’Orgues Nouvelles.

Dessin de Simon Fieldhouse

L’instrument de Sydney (127 jeux sur 5 claviers) a la particularité d’avoir un caractère prononcé certainement english, mais d’être suffisamment polyvalent pour jouer de nombreux types de musique. Bach y sonne merveilleusement, et il est parfait pour la musique romantique jusqu’à Mendelssohn. Widor et Franck sonnent bien. Il dispose de toutes les ressources nécessaires pour l’accompagnement. Il y a certes des répertoires auxquels il n’est pas adapté, mais il permet néanmoins d’aborder avec bonheur de larges pans de la musique d’orgue. En s’inspirant de ce type d’orgue, il serait probablement possible de concevoir des instruments qui passeraient l’épreuve du temps, n’auraient pas à être reconstruits si souvent, et possèderaient à la fois du caractère et de la polyvalence.

L’orgue de Sydney a un chœur de principaux monumental avec seize rangs de mixture sur le seul Great. Il possède des batteries d’anches couronnées de nobles tubas ainsi que toutes sortes d’anches douces et de fonds (flues) offrant d’innombrables nuances de couleur. Les mutations sont un peu sous-représentées, mais les orgues d’Allemagne centrale de l’époque de Bach n’en avaient pas beaucoup non plus. En bref, c’est à la fois un instrument très polyvalent et un instrument avec son propre caractère unique. Si un instrument est beau en soi, de nombreux types de musique y sonnent très bien.

On sait que les instruments de Henry Lewis sont parfaits pour l’accompagnement, dont une partie de leur sonorité trouve sa source dans la tradition allemande de Schulze. Thomas Hill, le constructeur de l’orgue du Town Hall de Sydney, fils de William Hill (1789-1870), a adopté une démarche similaire. Il a créé un type d’instrument unique et caractéristique qui unifie les deux composants principaux de ce dont un orgue éclectique anglican a besoin : les rigoureux plenums pour jouer Bach et la musique « classique », et la palette de nuances nécessaires pour accompagner la musique chorale anglicane. Schulze, qui les a influencés tous les deux, a fabriqué des orgues dans la tradition d’Allemagne centrale, qui remonte à Silbermann et Hildebrandt. Il est amusant de voir que ce genre d’orgue joué par Bach, avec des mixtures parfaites pour le contrepoint, mais aussi de nombreuses couleurs et gambes, puisse être considéré comme un orgue « anglais » parfait lorsqu’il est construit par Lewis et Hill. Si cet orgue avait été construit dans une cathédrale, il aurait eu un succès phénoménal. L’orgue du Town Hall de Sydney, en termes d’échelle et d’esthétique de l’époque, est le point culminant emblématique de l’orgue anglais. Construit en Angleterre en 1890, expédié via la flotte commerciale de l’Empire et installé sur place en signe d’hégémonie culturelle, il montre le pouvoir que possédait l’Angleterre à cette époque. De façon emblématique, il a même ce qui était le plus grand jeu à l’époque, une anche à la pédale de 64 pieds. Global Britain, en effet !

Présentation sonore de l’orgue (en anglais) par Daniel Moult