Échos

Odile Bailleux (1939-2024)

Nous apprenons avec tristesse la disparition d’Odile Bailleux à l’âge de 84 ans. Elève d’Helmut Walcha dont elle gardait un souvenir fort, Odile Bailleux fut une organiste et claveciniste passionnée de musique ancienne qui contribua dans le sillage des Chapuis, Chapelet ou Saint-Arroman à dépoussiérer nombre d’oeuvres d’orgue des XVIe et XVIIe siècles, par une interprétation à la fois sensible et s’appuyant sur des recherches musicologiques alors nouvelles. Organiste à St-Germain-des-Prés, elle fut une pédagogue recherchée, attirant toute une génération de jeunes musiciens qui découvraient avec elle une nouvelle manière d’interpréter la musique baroque. 

On regrettera qu’à l’instar de Jean Boyer, Odile Bailleux ne nous laisse que peu d’enregistrements discographiques.

Retrouvez ci-desous un hommage à Odile Bailleux par Frédéric Muñoz, ainsi qu’un extrait du double CD Nicolas de Grigny enregistré en 1983 et qui n’avait pu paraître à l’époque. C’est l’opiniatreté de Frédéric Munoz qui permit finalement sa publication en 2008 chez le label Gueul’Ard (Mouzon).

Nicolas de Grigny, Récit de tierce en taille, extrait de la Messe – Odile Bailleux à l’orgue de la cathédrale Ste-Cécile d’Albi (1983), prise de son et photo : Frédéric Muñoz (que nous remercions)

Frédéric Muñoz rend hommage à Odile Bailleux

Odile Bailleux durant l’enregistrement du CD Grigny à Albi – Photo : Frédéric Muñoz

J’ai rencontré pour la première fois Odile Bailleux en 1978 grâce à Jacques Bétoulières, organiste à Montpellier, suite à la sortie de son premier microsillon consacré à Antony van Noordt, Elle fut invitée dès le début des années 80 à la fois pour des concerts à Saint-Guilhem le Désert et aussi à l’Académie d’été à l’orgue Moitessier de Sète, J’ai suivi ses cours avec un enthousiasme débordant découvrant sous ses doigts experts la musique de Frescobaldi et de Correa de Arauxo, En 1983 l’éditeur occitan Ventadorn propose à Odile d’enregistrer le grand orgue de la cathédrale d’Albi, récemment restauré, Séduite par cet instrument somptueux, elle envisagea alors d’enregistrer le Livre d’orgue de Nicolas de Grigny. Durant de longues nuits d’enregistrement cet album s’est façonné et pour moi son élève ce fut une expérience incroyable de faire pour elle la prise de son et de l’assister musicalement, ce qui était pour moi une grande marque de confiance. Par la suite elle revenait régulièrement jouer à Saint-Guilhem, ayant même inauguré en 1984 le positif de dos d’Alain Sals. On l’entendit aussi au clavecin dans un récital Bach avec la gambiste Marie-Françoise Bloch.

Ses cours montraient un aspect de la musique ancienne mettant particulièrement en valeur la dynamique, le toucher et l’expression au clavier. Je la retrouvais aussi à Aubenas pour d’autres cours et un concert mémorable autour de Hassler, Reincken, Correa et Bach. Amie du claveciniste Scott Ross, ce dernier l’amena vers le label Erato qui lui permis de livrer un CD mémorable consacré à son cher Correa de Arauxo. Par son intuition sans faille, elle savait reconnaître diverses qualités musicales auprès de ses élèves, tantôt pour les complimenter par exemple pour « une bonne main gauche » ou leur dire tout simplement qu’ils vivaient une belle histoire d’amour avec la musique.

Odile a grandement fait partie depuis le tout début des années 60 de cette magnifique génération de redécouvreurs de la musique ancienne, en particulier celle de l’orgue associée aux instruments historiques restaurés suivants les principes et les gestes des facteurs de l’ancien Régime. Odile était profondément passionnée et sans concessions dans ses propos sur la musique. Outre quelques trop rares enregistrements officiels en disques faisant référence, quelques concerts mémorables furent captés et demeurent des témoignages précieux de son art, Par son enseignement elle a su transmettre et faire rayonner un savoir acquis auprès de ses maitres Edouard Souberbielle et Helmut Walcha que perpétuent désormais ses élèves. Par ses talents multiples elle a grandement honoré le monde de la musique baroque pendant plus de soixante ans, unanimement reconnue comme l’un des plus grandes représentantes de l’orgue français.

Frédéric Muñoz  (Souvignargues  21 Novembre 2024)
Titulaire de l’Orgue historique de Saint-Guilhem-le Désert

Espace en ligne pour lui rendre hommage